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vendredi 18 mai 2012

Histoire du parc des Buttes Chaumont

Il y a d'excellents sites sur les Buttes Chaumont, aussi vais je essayer d'aborder les aspects les moins connus en suivant son histoire.
 Vue de la bataille de Paris en 1814.
On voit au fond la barrière de Ledoux (aujourd'hui métro Jaurès) et plus loin la butte Montmartre.
Durant le siège de Paris  en 1870, Il y eu un incendie monstre produit par des barils de pétrole qui y étaient stockés. Durant  la Commune il y aura un parc d'artillerie au dessus du parc. 300 communards y seront fusillés durant la semaine sanglante et leurs cadavres d'abord jetés dans le lac. Le parc servira ensuite de camp de camp d'internement pour les communards. 
Ce n'est pas la montagne mais bien le futur parc avec des arbres encore bien petits. A l'origine l’aspect des falaises rappelle Etretat car elles plongent à pic dans le lac. La dissolution du gypse va demander  des consolidations en béton et la création de banquettes plantées. Des jardinières seront installées au flanc des falaises vers 1900  
Le plan du parc par Alphand dans "Les promenades de Paris"
La grotte et ses fausses stalactites.
Au fond, un mur peu épais cache l'entrée des carrières
qui a la même hauteur que la grotte.
Les Buttes Chaumont ce sont autrefois des carrières et des moulins.
Le parc n'occupera pas tout l'espace des carrières, il laissera de coté la butte Bergeyre et le quartier de la Mouzaia ( butte beauregard).
Le quartier est quasi inhabité; en bas des buttes il y a la  voirie de Montfaucon,  en haut des buttes il y a une guinguette : le moulin de la galette (comme à Montmartre).

C'est en ces lieux qu'en 1814 se déroula un épisode de la bataille de Paris "ou les marins de la garde, les élèves de polytechnique et des soldats de ligne opposèrent une résistance de plusieurs heures à toute l'armée alliée".
En 1860, les carrières sont en voie d'épuisement et le site est traversé par le chemin de fer et une rue (petite ceinture et rue Fessart).
Les travaux du parc débuteront en 1863 pour s'achever en 1867, année de la seconde exposition universelle française.



M Alphand, l'architecte du parc, écrit dans L'art des jardins : parcs, jardins, promenades : étude historique,
 "On sait que le parc des Buttes-Chaumont occupe l'emplacement du gibet légendaire de Montfaucon (*), de sa voirie et des carrières à plâtre voisines, jadis le repaire des pires bohémes parisiens. On a eu l'idée d'utiliser la superficie profondément accidentée de  ce lieu ou tout était repoussant ou sinistre, en y établissant une promenade pittoresque".

(*) M Alphand exagère un peu: le "vrai" gibet de Montfaucon se situait près de la place du colonel Fabien. Sur la (mauvaise) réputation du quartier voir un meurtre rue Botzaris.

Si les buttes semble le plus "naturel" des parcs parisiens, c'est en vérité une prouesse d'ingénieur. L'équipe d'Alphand comprend Barillet-Deschamps - le jardinier -, Gabriel Davioud – auteur des pavillons – et les ingénieurs Eugène Belgrand – pour l'hydraulique – et Jean Darcel – pour la falaise, la grotte et les cascades.
Le béton y est partout. Visible tout d'abord dans la grotte avec ses fausses stalactites (dont le mur du fond cache l'entrée de la carrière souterraine), mais aussi dans la majorité des "rochers" Il est omniprésent dans tout le sous-sol pour consolider les carrières. 

On créa un lac artificiel alimenté par une cascade (celle de la grotte) et deux "ruisseaux".  L'eau provenait du canal de l'Ourq et était refoulée vers un réservoir en demi cercle situé au dessus de la rue Botzaris  qui alimentait aussi les abattoirs de la Villette.

 





Dés 1867 les ennuis commencent: " il y a eu 9 fois des effondrements des galeries sous le lac et 4 fois des effondrements sous les pelouses". Le pont  Fessart (av du général St Martin)  doit être détruit  et reconstruit à l'aide d'un tablier métallique de récupération. L’alimentation de la cascade se rompt en 1869, la grotte s'éboule en 1890....


En 1956 l'état du parc est le suivant: lac à sec, temple de la Sybille, grotte, pont suspendu interdits. On envisage de remplacer le lac par des terrain de football.
Le parc est menacé car les années 60 sont fort peu respectueuses des œuvres de la fin du XIXéme siècle (le Palais Rose sera détruit en 1967).  Il doit peut être sa survie à sa faible fréquentation et au manque d’intérêt des élus mais finalement en 1968 le fond du lac est refait, puis la grotte est rétablie en 1970.  Les années  80 voient le début d'un renouveau qui reste incomplet aujourd'hui.


Pour plus de détails voir les articles:




Une rambarde au dessus de la cascade. Certaines ont été détruites ou "simplifiées".
Le tronçon final du ruisseau Sud Est (plus haut il se divise en deux branches). Il était à sec depuis des dizaines d'années
Le charme du parc est (était) aussi du à des  éléments de décor en béton "rocaille" (les cascades,  les rambardes (de 1901), des abris),  très dégradés aujourd'hui
Dans les années 2000 ce sont  les anglo-saxons qui ont redécouvert l’intérêt de ce patrimoine complètement négligé. Peut être en sera t'il de même maintenant pour nos édiles puisque l'on parle de "réhabilitation" du parc.
Pour des photos plus avenantes voyez sur wikimedia

Comme dans tout parc respectable il y avait des statues: "le Sauvetage" par Roland en face de l'entrée principale rue Manin; plus loin du coté de la rue Manin, "le Gué" par Camille Lefèvre, "l’Égalitaire" par Captier, près de l'entrée de la rue Bolivar "au Loup !" par Hiollin, à gauche du pont de briques; "le Chasseur d'aigles par Desca, sur bord du lac, près de la grotte "le Pilleur de mer", par Ogé. En 1906 on y ajouta la statue de Marat; elle venait du parc Montsouris ou elle avait été jugée "inopportune", le socle ne portait aucune inscription explicative jusqu'en 1936 ou le Front Populaire en fit graver une.
Les guerres sont friandes de bronze et il ne reste que des socles. Il y n'y a plus qu'une petite statue moderne du dieu Pan près du ruisseau de l'Est, une mystérieuse statue en pierre d'un homme tentant d'échapper à quelque chose cachée dans la verdure et un modeste buste de Clovis Hugues.

La conception par Davioud des maisons de gardiens et des restaurants fut aussi très soignée. Les 5 pavillons de gardien et le pavillon de l'ingénieur sont de formes différentes mais de conception semblable, en brique avec des décorations de faïence et précédés d'un porche. Les restaurants (Pavillon du Lac, Pavillon Puebla, and Rosa Bonheur) étaient  également en briques de couleurs multiples, bandeaux de faïence  avec des colonnes cannelées. Ils étaient dans un état lamentable voila une dizaine d'années. Aujourd'hui seul Rosa Bonheur reste à rénover convenablement.


Le tramway Les Halles-Le Raincy devant l'entrée du parc.
Dans Paris son trajet était à peu près celui du bus 75
Le parc était desservi par deux tramways: le 26 et le 99. 
On construira ensuite le métro  en 1911.
Le premier projet situait la station "Buttes Chaumont" près de la fondation Rothschild à cause de la difficulté d'établir une station en haut des buttes, en pleine zone de carrières souterraines  avec un habitat très clairsemé. Tout avait changé lorsque les studios Gaumont ont pris de l'ampleur, rue de la  Villette. C'était avant la guerre de 14 les plus grands studios de cinéma au monde et le métro se devait de les desservir. Gaumont céda ensuite la place à la RTF en 1953. " A vous les Buttes Chaumont" disait-on alors dans les studios de  Cognaq Jay. Tout disparu dans les années 90 et il n'y a même pas une plaque pour rappeler  le passé des lieux.  

En 1900 il y a 2 bateaux , un pour chaque sens de traversée.
 Il n'en restait qu'un voila 40 ans.
On distingue, à flanc de rocher, un pont du chemin des aiguilles.
Cette photo montre le bateau à câble, près du pont suspendu,  tel qu'il existait encore il y a une quarantaine  d'années. Je crois me rappeler que la traversée coûtait 25 centimes (de francs)
En son milieu il y avait une grande roue manœuvrée par le (la) préposé(e). Un câble posé sur le fond du bassin s'enroulait sur une poulie et permettait l'avance du bateau (*).
  Vous pouvez encore voir les traces des embarcadères mais le bateau a sombré dans l'indifférence de nos décideurs car il conduit du coté belvédère à un escalier  de 200 marches aujourd'hui  interdit (car à demi ruiné), le chemin des aiguilles, qui conduit à travers tunnels et ponts près de l'entrée de la passerelle suspendue.

(*)   Ce système avait été installé en 1889 dans le parc. Bien que plus modeste le principe est celui des toueurs


Le grand guignol, futur guignol Anatole 
Au contraire des parcs anglais les Buttes Chaumont ne comportait -comme tous les jardins du second Empire- aucun emplacement pour des jeux collectifs pour les enfants ou pour les grands. Une aire d'activités fut  logiquement située du coté de l'entrée principale face à la  mairie près de laquelle un  kiosque à musique (*)  est implanté sur le lac  en 1878 .On y installa ensuite un manège des balançoires et des baraques de vente. Deux guignols (deux castelets) furent ensuite crées en 1892 , l'un au Nord, l'autre au Sud ouest. Le XXéme siécle n'a été capable que de rajouter un pauvre bac à sable à coté du manège  et de créer deux petites  aires de jeux et une piste de patins à roulettes (**). L'équipement global en jeux du parc n'est pas très supérieur à celui d'un petit square de quartier mais il y a heureusement le guignol Anatole et le guignol de Paris ( ce dernier est couvert et fonctionne même l'hiver le  mercredi et le WE à 16 et 17h ).

*) Disparu et remplacé par un kiosque vers le manège  après guerre.
**) Comme ce n'est plus la mode pour les enfants elle sert à des cours de gymnastique chinoise.

Un jour d'été
Plan du parc. Cliquez pour agrandir.
Après un succès de curiosité à son ouverture, ce parc situé dans un quartier mal famé, fut déserté par les gens "biens". Un guide de 1900 précise " la semaine le parc est à peu près désert, Le dimanche il appartient au bon public populaire des quartiers voisins: La Villette et Belleville".
Ce public n'était pas respectueux de son parc: il arrachait les fleurs et même utilisait les épines de pin pour des tisanes.

Aragon écrit en 1926:  "Cette grande oasis dans un quartier populaire, zone louche ou règne un fameux jour d'assassinats, cette aire folle née dans la tête d'un architecte du conflit de Jean Jacques Rousseau et des conditions économiques de l'existence parisienne"

Aujourd'hui le parc est "branché", ses pelouses ressemblent les weekends d'été à celle de Woodstock . Les amateurs de gymnastique chinoise peuplent  la hauteur Sud-Est et les joggeurs font inlassablement le tour du parc.

La rénovation est en route, c'est du moins ce qu'affirme les panneaux.
Le système hydraulique a été revu : c'était plutôt la conséquence de la suppression des réservoirs des Buttes Chaumont, qui alimentaient en eau du canal de l'Ourq le parc et les abattoirs, au profit d'immeubles massifs (au n°72). Il faut dire que le  ruisseau Nord Est (de la porte Manin) était rarement en eau et que le ruisseau Sud Est était à sec depuis des dizaines d'années.  La cascade de la grotte fonctionne épisodiquement. Après rénovation il n'y a plus assez d'eau pour assurer l'arrosage des pelouses et l'alimentation de la cascade !
On a refait les allées en supprimant les trottoirs. L'argument historique était que les trottoirs n'existaient pas à l’ouverture du parc mais dataient de 1883 (la construction du parc avait été très rapide pour qu'il ouvre  pour l'exposition de 1867, les allées étaient simplement sablées (1) et les rambardes en bois). L'argument esthétique est discutable (une zone pour le piétons et une zone pour les bancs c'est raisonnable). Les raccords avec les grilles d'entrée (voir particulièrement la grille Bolivar) et les photos d'époque montrent que les allées principales avaient des trottoirs . On ne comprend pas non plus pourquoi certains caniveaux au croisement des allées ne débouchent pas sur une grille d'égout ce qui fait que l'eau inonde l'allée en cas de pluie. On peut cependant se féliciter de la couleur claire du revêtement choisi et du fait que les plantations des allées ont été rénovées
Le parc n'a que deux zones de jeu tout juste dignes d'un modeste square. Celle de l'avenue du général San Martin a été interdite en 2019, il a fallu 2 ans pour la rouvrir. L'abri de la zone de jeu Est a brulé voila 20 ans et n'est toujours pas reconstruit.  En général les abris au toit de bois ou de chaume des années 70 étaient dans un état lamentable, on s'en est enfin aperçu et certains ont été refaits
Ce qui est surtout curieux c'est que l'on ne s' est pas attaqué d'abord au seul  problème important du parc: la stabilité du massif central, de la grotte et du lac. L'accès au temple de Vesta est donc interdit ainsi que le chemin des aiguilles, la voûte de la grotte est cachée par un filet de protection, le tour du lac est impossible.... On fait "des études" pour remédier à cette situation lamentable.

Pour conclure voici la traduction de l'appréciation d'un site touristique anglais qui résume bien l'opinion actuelle sur le parc.
"Il peut être jugé en Europe comme le parc public le plus romantique , ouvert en 1867. C'est la transformation d'une carrière désaffectée, c'est également un excellent exemple de la façon dont les< terrains industriels  peuvent être réhabilités. Le plan de Jean-Charles Adolphe Alphand recherche  une ambiance paisible, mais les Buttes Chaumont évoque le  drame d'un tableau de Delacroix. Il y a de hautes falaises, de grands arbres, une cascade de 30 m et un pont en fer qui naît d'une falaise dont le sommet est couronné par un temple. Dans la conception du paysage, comme dans la plupart des beaux-arts, le romantisme a commencé au XVIIIe siècle et atteint son apogée au XIXe siècle"

  1. A l'exception de l'avenue du général San Martin qui était pavée et avait des trottoirs. Le parc Montsouris, dont la construction avait été moins précipitée, a des trottoirs d'origine

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