Pages

mardi 6 novembre 2012

Jules Richard et le vérascope

Jules Richard dans l'Atrium
Appareils Richard vers 1900
Publicité 1904 pour le Verascope
Le catalogue 1913 de Manufrance propose des stéréoscope
 au format 45x107 initié par Jules  Richard

Photo de l'atrium. On trouve aujourd'hui sur Ebay une
bonne partie des photos de Jules.
 ( des copies modernes bien sur)
La stéréo rendait elle ces photos plus "réelles" ? 
Catalogues Pathé et Gaumont série N.
Le premier film érotique, "le coucher de la mariée" de Lear date de 1896 
Félix Richard conçoit le premier baromètre métallique dans un modeste atelier  de la rue Mélingue (1) . Il a deux fils Jules et Félix-Max  qui prennent sa succession à son décès en 1876.
L'entreprise familiale est en piteux état mais ils conçoivent les premier baromètre enregistreur (2) et la prospérité revient avec la fabrication d' instruments scientifiques (anémomètres, hygromètres, planimètres, ampéremètres..)

Jules a l'idée de se lancer dans la photographie: il conçoit un appareil  photo stéréoscopique, le Verascope. Cet appareil est léger (950 g) et simple à utiliser contrairement à ses devanciers. Il utilise un petit format pour l'époque 45x107 (3).
Il  a un double viseur ( on peut prendre la photo  l'appareil à l'oeil ou sur la poitrine). Le magasin de 12 plaques est interchangeable. 


Jules rachète  en 1891 les parts de Félix-Max dans l'entreprise avec une convention interdisant à celui ci  "la vente ou la fabrication de tout appareil similaire ". Félix-Max s'empresse d'acheter le comptoir général de photographie ( situé rue St Roch) et de vendre la "photo-jumelle" de J Carpentier, concurrençant ainsi directement son frère. Jules fait un procès et Félix-Max se voit contraint de vendre son entreprise en 1895. Il la propose a un de ses employés: Léon Gaumont.(4)


Jules Richard  a trouvé  la bonne combinaison au bon moment. C'est le  George Eastman  de  la photographie stéréoscopique.


L'importance de la photographie stéréoscopique à l'époque nous semble aujourd'hui un peu incompréhensible (seuls les anciens, comme moi, se rappellent  qu'il existait, dans les années 60, des stéréoscopes pour les enfants (Lestrade, Bruguiére et View Master) et que les magasins spécialisés comme Photo-Plait proposaient encore des appareils stéréoscopiques). Ce désir de voir la "réalité" réapparaît aujourd'hui dans les films et les téléviseurs 3D.
La gamme Verascope et  ses accessoires  seront un grand succès.
Comme successeurs on aura  le Glyphoscope ( appareil économique (35 F au lieu de 175 F pour un verascope 1),  également à plaques,  permettant la visualisation avec le même appareil, 1905-1930), puis l'Homeos (à pellicule 35mn, format 24x18 ,1914-1930). 
Le taxiphote permettait de visionner les plaques par bande de 25. Il peut être transformé en projecteur et on utilise des lunettes vert/rouge pour visionner en relief.

Les usines Richard sont 23-25 rue Mélingue et Jules habite un hôtel particulier au 29.

Au 26 rue Mélingue, il installe un théâtre de prises de vue: l'Atrium (5). Il y réalise des photos érotiques dans un cadre antique, officiellement pour alimenter les appareils stéréoscopiques qu'il fabrique.
Ce n'est pas une exception car même son prude voisin, Gaumont, produira aussi des films à caractère érotique. La série se nommera "vieilles estampes" car l'alibi est d'animer des tableaux anciens représentant des scènes galantes. 
L'activité de production "d'images pour messieurs" semble florissante au début du XXéme siècle.(6)

Dans un tout autre ordre d'idées, Jules  ne trouve pas d'ouvriers habitués à la mécanique de précision, aussi décide t'il de fonder une école en 1923. On lui doit donc l'actuel lycée Jules Richard dédié aux microtechniques. Ce lycée privé et gratuit assure des formations du BEP au BTS 21 rue Carducci.

Jules avait la passion des femmes mais ne se maria jamais. Il mourut en 1930 sans héritier direct. Il léguera la majorité de ses biens à son plus proche collaborateur: Léon Henrard. Son fils Roger Henrard prendra sa suite en 1953 mais s'intéressera plus à la photographie aérienne qu'à l'entreprise.(7)

Le Verascope F40 sera lancé en 1938 et continuera sa carrière jusqu'en 1955. Il utilise des pellicules 35 mm avec un format d'images 24x30. Ce format est du à l'écartement moyen des yeux : 63mm :2 = 31,5 mmn  (8)
Les stéréoscopes Bruguière, très répandus dans les années 40 - 50, utilisaient des vues 45x107  mais prises par un vérascope 40.

Aujourd'hui il ne reste plus aucune trace rue Mélingue (9)

1) qui était à l'époque l' impasse Fessart et se terminait à l'angle de la villa de l'Adour. Au XIX éme siècle,  32 villa de l’Adour, s’élevait une "colonie d'artistes" des théâtres du boulevard du Temple, fondée par Paul de Kock, Geffroy, Mélingue, etc. 
2) la société fabriquait des baromètres à tube de bourdon ( un tube en 3/4 de cercle sous vide se déformant) , Jules produira des baromètres anéroïdes (capsule de Vidi sous vide dont les parois sont maintenues écartées par un ressort et amplificateur mécanique). Les appareils Jules Richard équiperont la station météorologique de la tour Eiffel.  
3) Il y aura aussi d'autres formats ( 6x13, 7x13) mais beaucoup moins répandus. En 1900 le verascope Jules Richard a un format 45 x 107mm ( 175F, 980g), le Carpentier avec  un format 6,5 x 9 (125F, 1kg) , le stéréo spido Gaumont 8 x 8 (625F, 2,2kg). 
En 1907 apparaissent les plaques autochromes permettant la photo couleur. En 1909 le magasin du verascope admet 8 plaques autochrome plus épaisses et on doit doter l'appareil de filtres pour compenser la sensibilité différente des plaques aux couleurs ( rouge, vert, violet). Les filtres peuvent se poser comme des bonnettes sur l'objectif ou derrière l'objectif.
On propose aussi un système de redressement direct des images dès la prise de vue par prisme de Porro ( l'appareil doit alors être utilisé verticalement et devient assez lourd). ( bulletin du photo-club senonais 1909)
En 1913 le verascope se voit doter d'un magasin acceptant les pellicules. 
4) Les ateliers Jules Richard comptèrent aussi dans leurs rangs Pierre-Victor Continsouza, de sa sortie de l'école d'horlogerie jusqu'en 1893. Continsouza est moins connu que Gaumont mais ce fut un des grands noms de l'industrie cinématographique avec un titre de gloire majeur: l'invention de la croix de Malte pour les projecteurs.
5) Ce "studio" n'était rien à coté des studios Gaumont de la rue de la Villette toute proche qui furent, avant la guerre de 14, les plus grands au monde). Il sera détruit en 1937.
Richard prendra aussi des photos de nus à Chantemerle, une propriété qu'il possède près d'Aix les bains.
6) le nu est présent aussi dans les revues "pour peintres et sculpteurs". Voyez par exemple l'étude académique sur Gallica ou vous trouverez mêlées publicités pour verascope et déesses 1900 dénudées. Cette revue comptera jusqu'à 20 000 abonnés et était expédiée sous plis clos ce qui lui évitera des condamnations à "l'atteinte aux bonnes moeurs" dans les procès engagés contre elle ou ses distributeurs. 
C'est aussi l'époque des cartes postales érotiques avec des photographes comme Jean Angelou.
7) En 1932 les établissements Jules Richard mettent au point le Planiphote, appareil de prise de vues aérienne 18/24 , 200 vues. Il y aura ensuite l'Altiphote, 100 photos 13x17. 
Les photos de Roger Henrard sont dans toutes les archives départementales un témoignage précieux de la France "vue d'en haut" depuis 1933 jusqu'aux années 70.
8) Le format du glyphoscope est dicté par les mêmes considérations 63:3 = 21. Les vues stéréoscopiques sont "entrelacées" pour ne pas perdre de surface sensible. 
9) L'usine disparut dans les années 70.  La société JRI Maxant est l'héritière de la société Jules Richard Instruments 


Y aurait il une certaine continuité dans la publicité du Verascope ? 

Sites et références 


On aura le verascope 1 à "objectifs rectignes", le 1a avec des Zeiss, le 2 avec compteur automatique et vitesse variable ... ceci jusqu'au n° 94 en 1928.

2 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour votre blog vraiment très intéressant.Avez-vous une idée du nombre de plaques (photos érotiques Atrium )produites..? Est-ce que ces plaques étaient vendues à l'époque et si oui comment et où ? Merci d'avance. Cordialement Pascal

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Il y en eu plusieurs milliers. On peut en voir environ deux cents dans l'ouvrage L'ATRIUM DE JULES RICHARD & SES AMIS d'Alexandre DUPOUY.
      Chaque plaque n'était tirée qu'à quelques exemplaires et il n'y avait pas de catalogue, contrairement aux films érotiques Pathé ou Gaumont, mais je suppose que l'on pouvait les acheter discrétement au 7 rue Lafayette ou par correspondance avec "envoi sous pli clos" (comme toutes les revues "artistiques" de l'époque)

      Supprimer