En marge de l'exposition de 1889, célébrant le centenaire de la révolution, s'ouvrit au pied de la Butte Bergeyre, juste en face du parc des Buttes Chaumont, un temple grec auquel on accédait par un escalier monumental. C'était le "musée historique du centenaire" d’Émile Bin comprenant 20 toiles de 100m² chacune illustrant la période de la Révolution à 1889. Une galerie latérale contenait des objets et des souvenirs révolutionnaires, le tout était complété d'un parc de 8 hectares sur la butte avec des attractions .
Cet établissement ne connut que deux saisons et à son emplacement s'éleva en 1905 la fondation Rothschild et en 1909, rue de Priestley (avenue Mathurin Moreau), "Les folles Buttes" parc d’attraction qui durera jusqu'en 1926
Emile Bin était un peintre honorable et le maire du XVIII e arrondissement (Mathurin Moreau, sculpteur , étant le maire du XIX e arrondissement). Il peignit surtout des sujets mythologiques (Persée et Andromède, le supplice de Prométhée) mais aussi des portraits (Boulanger, Vaillant Clemenceau). Il avait une expérience des décors pour avoir réalisé l'intérieur du pavillon égyptien de l'exposition de 1867. Il fut révoqué de son poste de maire pour cause de boulangisme en septembre 1889.
C'est lui le promoteur et le principal peintre du musée historique logé dans un temple de 4000 m² (120 m x 33 m) accueillant 20 toiles de 100m², plus ou moins achevées, dont il ne reste rien aujourd'hui.
"C'est d'abord un tableau allégorique de
l'état moral et matériel de la France à la
veille de la Révolution.
Une malheureuse famille de paysans,
faute de pouvoir payer leur fermage, se
voient enlever, suivant l'usage, les portes et les fenêtres de leur misérable chaumière, tandis que leur seigneur passe en carrosse suivi d'une foule de piqueurs et
de laquais en habits brodés tout chamarré. C'est le luxe insolent du seigneur, triomphant, avec ses privilèges, de la misère
noire du peuple.
Mais l'heure de la revanche va bientôt
sonner, et le second tableau nous fait assister à la prise de la Bastille. C'est là une
scène trop connue pour que nous insistions sur les détails qu'elle contient. Disons
toutefois que, comme le premier, ce tableau
est peint de main de maître. Il y a dans
cette toile une recherche de la vérité, une
simplicité dans l'action jointe à un grand
mouvement qui font certes le plus grand honneur à M. Bin.
Enfin, nous assistons, après la scène de
l'enrôlement des volontaires sur le terre-plein du Pont-Neuf, au jugement de
Louis XVI, qui est, à vrai dire, la fin de la
première partie de l'histoire de la Revolution. Dans la grande salle de la Convention,
Louis XVI est assis à la barre à côté de son
défenseur Malesherbe, qui plaide.
En bas, on aperçoit les conventionnels
rangés sur les gradins; en face, le président; plus loin, les tribunes garnies de
monde.
Tout cela est simple, sans prétention et
du plus puissant effet.
On arrive enfin au 18 Brumaire; puis,
après avoir assisté,avec l'entrevue de Tilsitt,
à l'apogée de Napoléon Ier, on passe à Waterloo, où sombre le premier Empire.
Ces trois phases de l'histoire de Napoléon
ne sont-elles pas bien choisies, et ne résument-elles pas admirablement toute une
époque?"
Il y avait aussi la réunion des États Généraux, le18 Brumaire, puis "tous les faits des règnes
de Louis XVIII, de Charles X et de Louis-Philippe, les
massacres du 2 Décembre, la mort de Baudin, les héroïsmes enfin du siège de Paris qui nous amènent au
triomphe de la République en 1889 dans un splendide
panorama, qui s'étend des Tuileries au mont Valérien".
La construction de "l'historiorama" des Buttes Chaumont fut entreprise vers 1880 sous la direction de M Volclair architecte.
Le musée ouvrit le 21 avril 1889 sous le nom de "musée historique du centenaire", il changea de nom en juillet pour devenir le "diorama des Buttes Chaumont"(1), nom plus facile et permettant une localisation immédiate.
L'entrée du musée et des attractions coutait 1 franc (réduction pour les élèves des lycées et les pensions en promenade). Il y avait des balançoires, des jeux, une piste de vélocipèdes, une salle des fêtes et une tour, au sommet de la butte(2), permettait de jouir du panorama sur Paris.
Pour attirer du monde on organisera des fêtes
"Un comité formé sous le patronage de MM.
Morèau et Emile Bin, maires des dix-huitième et dix-
neuvième arrondissent organise un fête villageoise tous les
jours du 11 au 25 août, au-bénéfice des familles de Saint-Etienne (3).
L'entrée sera entièrement libre et gratuité
pendant toute la durée des fêtes, sauf les 11,
15,18 et 25, où il sera perçu un droit d'entrée de 50 centimes.
Le .programme de ces réjouissances comprend ; représentations sur la scène de la
salle dés Fêtes, avec le concours de Thérésà
et d'artistes de Paris; bals travestis, concerts,
festivals; fête militaire, simulacre de petite
guerre, attaque et prise d'une redoute armée; ascension d'un ballon ; courses à pied
et en vélocipèdes. Grande fête foraine ; spectacles, jeux divers, manèges, montagnes russes, tirs, baraques de lutteurs, etc., etc.
Projections électriques de la tour du plateau
central, fontaines lumineuses, embrasement
général, feux d'artifice."
En septembre 1889 on installe un parc aérostatique avec des lancers de ballon puis le diorama ferme pour l'hiver.
Le musée rouvre en avril 1890, on y lance le 15 avril le Lazare Carnot dont le voyage fut périlleux
" Hier, l'agence Havas communiquait aux journaux
la dépêche suivante
« Un ballon de fort cubage, dans la nacelle duquel étaient des cartes des environs de Paris, une
lunette et divers objets, est tombé -hier soir, vers
sept heures, sur le territoire de Mouchy-Saint-EIoi,
entre Liancourt et Creil; on ignore d'où cet aérostat
est parti.... "
Quel pouvait être ce ballon?
Deux ascensions avaient eu lieu hier dans la
journée
La première, à l'usine à gaz de la Villctte, par M.
Justin; Balzon, parti à à onze heures vingt du matin sur
le ballon le Messager., la deuxième, par M. Ernest Girault, de l'école
d'aérostation, à 4 1/2, sur le Lasare-Carnol, de l’enceinte du diorama des Buttes Çhaumont.
..La première ascension, celle de M. Justin Balzon, s'était effectuée sans aucun incident mais celle de
M. Girault .avait été des plus émouvantes.
Le Lazare-Carnot, .gonflé au gaz hydrogène, s'était
élevé arec une force ascensionnelle excellente, mais
une rafale de vent s'étant produite, le Lazare-Carnot
fut jeté aussitôt sur la maison du n° 103 de la rue
Bolivar.
La nacelle se heurta au balcon du cinquième étage
où elle fit quelques dégradations puis la ballon s'éleva a une hauteur de 2 000 .mètres, en se dirigeant vers le Nord. ̃.La Presse 16 avril 1890L'aéronaute en fut pour quelques écorchures mais le 29 juin M Olivier, à bord du même ballon, succombait à une asphyxie due à l'hydrogène.
Il n'y eu pas de saison 1891....Le baron Adolphe de Rothschild acheta les lieux en 1899 pour y construire un hôpital.
- Nom un peu abusif puisque le diorama est au minimum" une base ou socle supportant le modèle et complété par un fond de décor peint en deux dimensions" alors qu'il ne s'agit que de grandes toiles peintes.
- Là ou s’installera plus tard le stade Bergeyre .Bergeyre est un rugbyman, mort durant la grande guerre, auquel la butte doit son nom actuel
- Deux puits, Verpilleux et Pélissier, y explosèrent cette année là suite à des coups de grisou.
Les autres attractions périphériques de l'exposition
MM. Peyrusson et
Colibert avaient ouvert en 1888 une reproduction de la Bastille à l'angle de l'avenue de Suffren et de la Motte-Piquet. On pénétrait par la porte de la Conférence et on suivait "la vieille rue Saint-Antoine,
à l'ombre de la sombre forteresse". Dans la Bastille étaient présentées des scènes célèbres dont celle de l'évasion de Latude.
Le musée Grévin ouvre pour l'exposition universelle sa galerie révolutionnaire qui subsistera jusqu'aux années 1980
Le musée Grévin ouvre pour l'exposition universelle sa galerie révolutionnaire qui subsistera jusqu'aux années 1980
Le Louvre consacrait la salle des États à une exposition sur la révolution.
Au pavillon de Flore le "musée de la Révolution", organisé par la société de l'histoire de la révolution,"comprenait quatre salles : de l'assemblée constituante; de l'assemblée législative; de là
Convention et du directoire.
"Anciens drapeaux, bustes, portraits à l'huile, au
crayon, miniatures, tabatières, boutons, éventails, insignes révolutionnaires y sont groupés avec autant
d'art que de méthode."
"Le panorama du siècle" était un concurrent direct du musée d'Emile Bin. Il bénéficiait du concours de deux grands peintres du moment, Gervex et Stevens, Une rotonde montrait pour moitié une vue depuis une élévation qui serait située au grand bassin des Tuileries sur le jardin et la place de la Concorde. Sur l'autre moitié, des tableaux dans des arcades, montraient des scènes de la révolution jusqu'à la commune. On y comptait 2500 portraits des héros du siècle. L'entrée coutait 1 franc, il resta ouvert 7 ans dans le jardin des Tuileries..
Les panoramas vivent leurs dernières années mais il sont six à Paris hors de l'exposition. Aux Invalides il y avait de Panorama de M Castellani " le tout Paris", avenue de Sufffren, le panorama de Rio Janeiro, avenue Bosquet le panorama et musée " Jeanne d'Arc" porte Dauphine le panorama "les chutes du Niagara".
Après le "jardin de Paris" et les montagnes russes du bd des Capucines, il venait de s'ouvrir,avenue Rapp,, "le jardin des fées" qui renouait avec la tradition des jardins de plaisir et dont la principale attraction était un pachyderme monumental (et visitable).
Cette année là aussi Buffalo Bill, ses cowboys et ses indiens, donnaient leur spectacle porte Maillot.
Sites et références
- Histoire de la Butte Bergeyre
- Paris révolutionnaire
- La Presse 6 mars 1889, 7 avril 1890, la gazette artistique de Nantes 21 avril 1889, le XIX e Siécle 23 avril 1889, ... Tous les journaux de l’époque reprennent les mêmes articles "publicitaires" sur le diorama. C'est la seule trace qui en reste
- Catalogue du musée historique, Lemarié 1889 (BHVP)
- Histoire des panoramas, Bapts 1891
- L'exposition universelle de 1889 illustrée, Le Roy Alfred mai1888.
- La vie parisienne à travers le XIXe siècle : Paris de 1800 à 1900 d'après les estampes et les mémoires du temps. Tome 3 / publié sous la direction de Charles Simond 1900-1901 p 248
- Promenade dans les vingt arrondissements. Alexis Martin. 1ere édition 1890 p 332 - 2ème édition1894 XIXe p 6. Dans la première édition de 1890 le parc est ouvert, il est signalé comme un "souvenir" dans l'édition de 1894.
Très joli tableau.
RépondreSupprimerAvis MEDESPOIR