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mardi 10 avril 2012

Les studios Gaumont des Buttes Chaumont

Studio Elgé vers 1905 après la construction du grand studio.
Le premier atelier Gaumont est au fond, à gauche  longeant la ruelle des sonneries(à peu près à l'emplacement de la villa fleurie actuelle)
Les studios vers 1909.
A droite du grand studiole magasin des décors et l'imprimerie.
La cité Elgé atteint au premier plan la rue Carducci, à gauche la rue des alouettes
Intérieur du grand studio: la "serre".
Il est conçu comme un théâtre avec portants et gril.
Plan 1925.
La cité Elgé occupe presque tout le carré bleu.
Notez les passages disparus du quartier  et les réservoirs semi circulaires d'eau non potable qui alimentent le parc et les abattoirs de la Villette  
Vue aérienne 1925.
La cité Elgé est un fouillis de bâtiments.
En haut de la photo les réservoirs des Buttes Chaumont  
Léon Gaumont est  né dans une d'une famille modeste en 1864. Il abandonne tôt ses études mais s'intéresse à l'optique. En 1888 il se marie avec Camille Maillard qui lui apporte une maison avec un jardin allongé au 55 rue de la Villette. En 1892 il entre au comptoir général de photographie dont il prendra plus tard la direction. Deux choses l'intéressent: le développement commercial et la recherche technique, il laissera toujours l'aspect artistique à d'autres. Il entreprend de fabriquer lui même les appareils qu'il vend. Il construit un premier atelier au fond du jardin de la maison ou il habite. C'est aussi dans ce jardin que seront tournés les premiers films de fiction à partir de 1896 par sa secrétaire Alice Guy, Vers 1900 on construit une verrière  pour tourner les films plus commodément, puis en 1905 le grand studio: une serre précédé d'un théâtre avec gril et porteuses. Les studios   prennent  une ampleur considérable et forment  la Cité Elgé (le nom reprend les initiales de Léon Gaumont).Il y a là tous les services techniques, artistiques qu'exige l'industrie cinématographique et 9 plateaux de tournage ( des "théâtres cinématographiques" comme on dit à l'époque). 




C’est à la cité Elgé que Feuillade, tourna de 1913 à 1917 Fantomas, Les Vampires et Judex, trois chefs d'oeuvre du muet  Il y eu aussi Emile Cohl, l’un des pionniers du dessin animé (Le Château de cartes, 1908), Léonce Perret, Léon Poirier ainsi que Jacques Feyder. Les productions Gaumont, additionnées à celles de Pathé et d’une troisième société, L’Eclair, donne à la France le premier rang mondial dans le cinéma jusqu’à  la Première Guerre mondiale ou Hollywood la surclassa.
En 1911 il fait construire le Gaumont Palace, près de la place Clichy, qui est avec 6000 places le plus grand cinéma du monde Dans la fin des années 1920, les studios de Nice prirent le pas sur la cité Elgé. Marcel L’Herbier (L’El Dorado, 1921) y travaille encore mais le studio est de plus en plus souvent loué à d'autres producteurs. En 1922 on construisit  au 35, rue du Plateau un bâtiment de brique de style Arts Déco pour abriter le magasin de vente des appareils, l'activité de location de films et les archives.  C'est à cette époque que la cité Elgé est à son extension maximale. Après la mort de Louis Feuillade (1925), Léon Gaumont se recentra dans l’activité de fabrication d’appareils. En 1930 Léon Gaumont n'est plus que président d'honneur.

En 1935, les sociétés Gaumont et Pathé, frappés par la grande dépression, firent faillite. Les studios passent sous le contrôle de "Radio-Cinéma" et seront particulièrement actifs durant l'occupation. Léon Gaumont  mourut en 1946. 


La RTF racheta les studios à l'abandon en 1951 mais ils furent détruits par un incendie en 1953. Ils furent reconstruit dans le style forteresse des années 60 couronnée par une tour de communication et devinrent les fameux studios des Buttes Chaumont de notre télévision (voyez l'article qui leur est consacré)



Pour plus de détails lisez les articles du blog:

Cité Elgé en 1934.
Elle a encore fière allure mais les ateliers sont moribonds.
Des studios modernes sont de l'autre coté de la rue des
alouettes
Cité Elgé en 1927. Elle est alors à son apogée et est entourée dans cette publicité d'une forêt imaginaire. Les réservoirs sont cependant représentés. L'architecte maison est Auguste Barhmann

Description des studios en 1908

Une image du premier "film dans le film" par Alice Guy.
Notez qu'il fait nuit et que la scène est éclairée par des lampes
 à arc. Dans le film sur Internet remarquez que les acteurs
tournent le dos aux projecteurs dès qu'ils le peuvent.
La quantité d'UV généré par ce type de lampe provoquait
des problèmes ophtalmiques.
La phono-scène filmée est le bal des capulets n°300 
En 1908 on peut lire dans le numéro de Mars de Phono-ciné-revue, page 29, une des rares descriptions des studios Gaumont.


 La longueur de la salle ( du studio) est de 45m , celle de la scène de 20m et sa hauteur dépasse 34m . Le plancher est établi pour supporter même une troupe d'éléphants : une rampe en facilite l'accès aux voitures attelées; des dispositions spéciales permettent tous les trucs nécessaires aux féeries (1). Le toit est couvert de dalles de verre (2).
Un ventilateur de 2,50 m de diamètre assure , en été, une température normale dans cet immense atelier. En hiver un groupe électrogène à vapeur d'une puissance de 16500 Watts alimente, en dehors des lampes à vapeur de mercure, les arcs des chariots de lumière et de puissants projecteurs pour permettre la prise de vues, même par temps couvert. La vapeur d'échappement s'écoule dans un aéro-condenseur et l'air qui la traverse, chassé par le ventilateur, est utilisé pour chauffer le théâtre; la vapeur est donc entièrement utilisée et aucune trace de buée ne peut intercepter la lumière
....
L'art cinématographique, avec la perfection qu'il atteint aujourd'hui , a passé rapidement dans les plus petites villes , ou il a supplanté , pour toujours, espérons le, le café concert de bas étage, pour le plus grand profit de la moralité et de l'esprit publics (sic)

E. LAFUYE  ingénieur E.P.C.

1) Les "féeries" étaient la spécialité de Mélies et vont bientôt passer de mode.
2) Ce studio moderne utilise tout de même la lumière naturelle comme ses semblables. A l'époque les lampes à arc ou à vapeur de mercure restent pleines d'inconvénients.  Ce n'est qu'après la guerre  que les progrès de l'éclairage électrique permettront de s'en passer complètement. Il faudra alors peindre les vitres de ces serres que sont les studios.  Avec l'apparition du parlant ces studios non insonorisés ne seront plus guère utilisables sans modification.

Le catalogue 1906 Gaumont décrivait aussi les ateliers de décoration.


Magasin des accessoires
atelier des décors
Pour un théâtre aussi important, qui doit fonctionner pour ainsi dire sans interruption, il faut que le service artistique chargé de la préparation et de l'exécution des scènes ait à sa disposition, à proximité du théâtre , des ateliers pour les équipes de peintres décorateurs. Nous avons un bâtiment spécial destiné à la confection des décors.
La production des décors et des accessoires est si intense que nous avons souvent recours, en dehors de notre production,aux maîtres de la décoration théâtrale. C'est ainsi que nous possédons une dizaine de grands fonds dus aux pinceaux de MM Jambon et Bailly, ces éminents artistes fournisseurs de l'Opéra et de toutes les plus grands scènes du monde.
Le rez de chaussée est occupé par les menuisiers. Les peintres se trouvent au premier étage. une galerie métallique de 10m de longueur relie la salle de décoration à la salle de pose. Enfin un magasin de décors situé à proximité complète cette installation.  

Description des studios en 1913

La  serre  agrandie  avec des décors.
Notez les projecteurs avec des lampes à arc et à mercure
et l’utilisation de l'espace pour tourner de nombreux petits films
Vers 1920 les projecteurs sont plus maniables
Dans ses souvenirs, Henri Fescourt donne des détails sur la vie du studio sur un ton moins publicitaire. 


Le théâtre  vaste et haute surface vitrée ( près de 40m de longueur sur 20m de largeur), avait reçu un équipement électrique de manière à renforcer les défaillances éventuelles de la lumière du jour. Trois, quatre metteurs en scène travaillaient simultanément sur le plateau. Ils n'enregistraient les scènes qu'à tour de rôle car le courant trop faible n'aurait pu alimenter plusieurs décors à la fois...
Le metteur en scène n'avait à sa disposition qu'un opérateur, gaillard à la forte musculature. Un seul garçon accessoiriste  aidait le metteur en scène. Les décors, prestement plantés, enlevés, remplacés, dans une même séance  consistaient en feuilles du répertoire : le salon Empire, le louis XIV, le Renaissance, la salle à manger, la cuisine, la prison, la cave, ...

Tous les mardis, à huit heures exactement se déroulait une scène pénible [: la projection des films de la semaine]...M Gaumont prenait place à gauche de l'écran [ avec l'état major et derrière les réalisateurs et les acteurs] . Le premier film projeté était celui du metteur en scène dernier venu...  Lorsque le mot Fin apparaissait on se tournait vers Léon Gaumont . Si son sourcil restait froncé [il disait au metteur en scène]" il faudra que vous vous cherchiez autre chose", [alors] le caissier, M Carré, lui réglait son du avec froideur. 
En 30 mois de mars 1912 à août 1914 j'ai vu se succéder à peu près vingt metteurs en scène à l'essai; six se sont maintenus.  

Le coup de tonnerre de 1914 dispersa la ruche bourdonnante, jusque-là d'une activité qui ne semble pas près de renaître,  sans combustible le studio reste glacial, sombre  et vide ...  écrivait Feuillade à Léon Gaumont à l'entrée en guerre. 

Après un arrêt total l'activité reprit mais dans le midi. Feuillade est réformé en 1915 et entreprend à Paris les vampires puis Judex pour contrer les serials américains comme les mystères de New York.
Après guerre c'en est fini de la suprématie du cinéma Français mais Feuillade produit courageusement un film par semaine ( quinze jours quand ils font plus de  400m). Il mourut brusquement en 1925  

Description d'un studio en 1929

Un studio sonore avec au fond les cabines son.
Notez qu'il n'y a plus de lampes à arc car celles ci grésillent
L'auditorium permettant d'ajouter l'accompagnement musical 
Léon Gaumont compte beaucoup sur le parlant, il transforme les studios de la cité Elgé  et donne une série de conférences.


En raison de l’extrême sensibilité des appareils d'enregistrement phonique pour qu'il puissent opérer à distance convenable (1), il importe d'éviter tout trouble pouvant provenir des bruits de l'extérieur. Aussi le bâtiment sera à double paroi  ou à une seule mais alors très épaisse et avec des matériaux de nature à amortir les bruits. dans les deux cas pour éviter toute transmission de vibrations venues du sol, les fondations reposeront sur une couche amortissante formée, par exemple, de fortes épaisseurs de feutre.


La surface des murs sera rugueuse pour éviter la réflexion du son et même de grandes tentures seront disposées, avec déplacement possible, pour supprimer échos et résonances.
Un système de ventilation perfectionné permettra de renouveler constamment l'air, celui ci à une température et à un degré hygrométrique déterminé et sans apport de bruits extérieurs.
Chaque appareil de prise de vues est enfermé dans une caisse capitonnée montée sur des roues à pneumatiques afin de pouvoir être déplacé sur un signe du metteur en scène, chaque déplacement ayant été prévu et exactement repéré avant de tourner.
Autant que possible les murs et toutes les pièces en dehors du champ seront peints en blanc pour donner dans le local une lumière diffuse. Tout décor ou objet inutile sera enlevé pour éliminer des réflexions toujours nuisibles.
L'éclairage sera exclusivement demandé   à des lampes à incandescence survoltées de manière à avoir, dans le silence(2), le maximum de lumière et le minimum de chaleur. Ces lampes étant plutôt riches en lumière jaune, l'enregistrement du film image sera fait sur film panchromatique.(3)
A coté du studio, mais séparé par une cloison isolante,  se trouvera le "central", local qui renfermera les enregistreurs des vibrations sonores. de ce central , le chef de poste pourra surveiller , par une ouverture garnie de glaces, ce qui se passe sur le plateau. Il entendra ce qui s'y dit par des hauts parleurs reliés à des microphones disséminés dans la salle.
Des signaux lumineux placés sur le studio et commandés depuis le central permettront d'indiquer si les enregistreurs sont prêts, si l'on doit arrêter pour une cause ou une autre,...
dans le cas ou le studio est alimenté par le secteur, la marche synchrone du ciné et de l’enregistreur phonique sera assuré par le simple branchement sur le secteur du moteur de chaque appareil.(3)

Léon Gaumont

1) Dés 1902 on enregistre des films "parlants": les phonoscénes. Elles  étaient tournées en play back, l'artiste enregistrait d'abord en se tenant à 50 cm du pavillon puis jouait devant la caméra. Ce n'est qu'en 1910 que le son a pu être enregistré en direct ( voir l'article).
2) les lampes à arc sont bruyantes
3) Gaumont utilisera un système ou l'image et le son sont enregistrés sur deux pellicules différentes ( voir l'article). Les deux appareils sont entraînés par des moteurs synchrones sur secteur 50Hz  ( mais le secteur est encore à courant continu dans certaines villes )

Description des studios en 1932

Malheureusement le  procédé sonore Gaumont  GPP ne s'imposera pas et Léon Gaumont perdra le contrôle de sa société en 1930. C'est la GFFA ( Gaumont franco film Aubert) qui reprend les installations. La cité Elgé est un des 3 studios du nouvel ensemble qui hérite aussi de Joinville et de Nice.  Les studios Carras de Nice sont fermés en 1930 et c'est la Victorine qui va prendre le plus grand développement.
Un audit  de la cité Elgé, qui n'est plus que "les  studios de la Villette", est réalisé en 1932(1). 

Sur 13000m2 de la cité Elgé, les studios occupent 7000m2 dont 2000 m2 de plateaux. 

Il y a 5 plateaux, Le plus grand studio est de 511m2, le plus haut à 9,50 m de hauteur. Les appareils de prise de vue sont des Debrie et des Camereclair. 
Il y a aussi un auditorium de 145m2 et 5,88 m de haut., une installation permettant le doublage de films, un atelier de décor, un magasin d'accessoires, un atelier de montage avec boxes et 3 salles de projection. 
Les studios sont équipés de matériel Radio-Cinéma (3 cabines et 2 camions), une installation fixe à la'auditorium et une autre au mélange ( mixage).  

1) cité dans "une histoire économique du cinéma français"  PJBanghozi,C Delage

La GFFA fera failltte en 1934 et les studios de la Villette passeront sous le contrôle de Radio-cinéma. 

 Sites et références






4 commentaires:

  1. Bonjour,

    Je suis à la recherche d'archive des studios Gaumont. Pouvez-vous m'indiquer la source de ces images ? Connaissez-vous les ayants droits ?

    Merci par avance,

    Bien à vous,

    Léna Modrzyk
    Assistante de production
    T : +33 4 37 65 07 95
    http://www.lesfilmsdeladecouverte.com

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    1. Bonjour, je suis également à la recherche de film ou photos ssur les studios des Alouettes lors de l'incendie. Nous habitions juste le long des studios, et j'avais 3 ans 1/2 à l'époque. Je recherche des photos de cet incendie mais n'en trouve pas. Pourriez vous m'aider à en trouver? merci infiniment...

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    2. Vous trouverez les deux seules photos que je connaisse dans mon article "les studios des Buttes Chaumont de l'ORTF". L'incendie s'est produit en 1953, les studios étaient devenus propriété de la RTF.

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    3. Merci pour ce document, mais impossible d'obtenir plus de détails sir l'incendie de 1953 qui m'intéresse vraiment. Pourtant il a bien du être filé à l'époque.. Merci encore.

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