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samedi 7 juillet 2012

La fête sur la butte Chaumont

  • La place des fêtes
  • Le premier cinéma de la place
  • Le Luna Park de la Butte Bergeyre
  • Le stade Bergeyre
  • L'ile d'amour 
  • Le moulin de la galette
  • Les autres Buttes Chaumont
Belleville fut un des "lieux de plaisir" de l'ouvrier parisien. Il s'agissait plutôt alors de la Courtille, juste au-delà des barrières, mais notre quartier connut aussi ses guinguettes et ses fêtes. 
Nous avions un moulin de la galette ( celui de Montmartre n'est qu'une pale imitation !), un parc d'attractions, une "ile d'amour" et bien sur une place des fêtes qui méritait alors son nom. 

La place des fêtes 

A l'origine il y avait là une source, la Tillaye, qui fut captée pour alimenter le palais royal de la Tournelle, puis servit à alimenter l’hôpital St Louis.  Le Regard de la Lanterne qui jouxte la Place des Fêtes actuelle, vers la rue de Belleville est lui la tête de l'aqueduc des "eaux de la ville" qui allait vers le Marais.
La commune de Belleville racheta cette Tillaye en 1835 à l'Assistance Publique pour 38 000 francs, afin d'y installer une place publique, la place Sainte Geneviève, accueillant les réjouissances populaires du parvis de l'église de Belleville, que le curé ne supportait plus, et d'y tenir les rassemblements de la Garde Nationale et les fêtes patronales (marchands forains, manèges, stands de tir, etc.). Ce fut la « Place de la Fête », qui à l'époque ne s'étendait que sur le périmètre pentagonal de l'actuel square Mgr Maillet "bordé d'une quadruple rangée de tilleuls taillés en berceau". Les alentours de cette place, constitués de terrains horticoles et de vignobles, ainsi que de nombreux moulins à vent (le site était exceptionnellement venteux, et il l'est resté), furent progressivement construits. 
En 1861, après l'annexion à Paris, la Place des Fêtes fut transformée par Alphand en jardin public, le « square de Belleville », espace gazonné coupé de quelques allées, où jouaient les enfants. Les fêtes foraines furent supprimées en 1863 acr la ville de Paris refusait la subvention nécessaire. Elles revinrent en 1884, et les riverains se plaignirent, en 1887, du « rugissement des bêtes fauves qui troublaient leur repos nocturne et de l'insalubrité causée par la présence lors de ces fêtes de nombreux animaux domestiques ou sauvages ».
Vous connaissez tous le triste sort qui fut fait à la place dans les années 70 : plus de fête mais des tours (voir la rénovation de Belleville).
Daniel Pennac a décrit la lutte du bougnat Cissou contre l'expropriation de son bistrot dans Monsieur Malausène

Le premier cinéma de la place des fêtes 

L'enseigne Cinématographe est hélas peu lisible, le panneau
posé sur le trottoir donne le programme
En 1906 Charles Chardenal, marchand de vin au coin de la rue du Pré St Gervais, eut une brillante idée: transformer son café en cinéma.
Cela était peut être du à la proximité des studios  Gaumont, rue de la Villette, dont les opérateurs parcouraient le quartier quand il s'agissait de tourner des scènes avec des "apaches". 
Il déménagea les billards, abattit quelques cloisons et  fabriqua lui même son électricité à l'aide d'un moteur à gaz et d'une dynamo  car le quartier ne connaissait que le gaz.
En 1907 l'enseigne "Cinématographe" remplaça l'enseigne " café, vins et liqueurs" et ce fut un succès.
En1908 hélas, l'immeuble fut exproprié pour créer le tunnel du métro de la ligne 7 (bis). 
En 1906 aussi, au 118 Boulevard de Belleville, Etienne Astier ouvre  le "Cinématographe Parisien" , celui ci fermera en ... 1989 ( après bien des transformations).


Le luna park de la butte Bergeyre 

La butte Bergeyre connut des moulins et des carrières, un stade inauguré en 1918 et un parc de loisirs 

Le futur emplacement des Folles Buttes  ( gallica)
L'entrée des Folles Buttes sur la rue Priestley.
En haut la tour, symbole de l'établissement
La tour, son toboggan hélicoïdal et le  panneau de marque du stade Bergeyre
Vers 1910 la butte Bergeyre s'appelle "la vieille butte", c'est un terrain vague cerné de palissades qu'Hausmann n'a pas intégré au parc des buttes Chaumont,  le seul bâtiment important sur un de ses flancs est  la fondation ophtalmologique  Rothschild . On va construire du coté de  la rue  Priestley (Avenue Mathurin Moreau)  un parc de loisirs que son propriétaire, la Société d’exploitation d’attractions parisienne (SEAP), baptisa les "Folles Buttes" à son ouverture  en Juin 1912. 
Bien plus petit que le célèbre Luna Park qui ouvrit en 1909  à la porte Maillot il comprenait cependant une salle de bal, des manèges, une maison hantée, des jeux divers, des chalets de "curiosités" et se remarquait par sa tour à laquelle on montait par une rampe hélicoïdale avec des surprises à chaque niveau. 
Le parc couvrait tout le flanc Ouest de la Butte, L'entrée était 46 rue Priestley , il  s'élevait sur la pente jusqu'au sommet du plateau ( à l'emplacement de l'actuelle rue Lardennois)
Les Folles Buttes eurent du succès et on eut aussi des spectacles: music-hall, théâtre et même cinéma.
En 1912 on proposait le "cinéma champêtre", mais ce spectacle de plein air  ne durera qu'un an.
On organisa dans le parc, en plein Décembre, une course cycliste "le grand prix des folles-buttes", course poursuite de côte,  disputée sur 10 km ( alors que la côte ne faisait que 150 m) et dotée "de 40 fr de prix en bons et marchandises".
 Le cinéma se fit ensuite dans la salle de bal qui servait aussi aux meetings (quand les salles de la maison des syndicats de la place du Combat ne suffisaient pas). "Le cinéma du peuple" de la CGTU  y eut sa première séance en 1913.
En 1913 aussi le parc ajouta à ses activité la restauration et la danse, on lisait alors dans "le Matin"  : "L’admirable parc verra aujourd’hui une foule plus nombreuse encore que les dimanches précédents car les distractions ne manquent pas aux Folles Buttes. Bal à grand orchestre tyrolien et restaurant à petites tables à prix modérés" 
Après guerre le parc s'essayera au tennis en louant une parcelle de terrain  au coin de l'avenue Mathurin Moreau et de la rue Bolivar pour y construire  des courts - et un garage pour automobiles- avec une entrée  102 rue Bolivar  . Il eut alors pour  voisin le nouveau  stade Bergeyre construit sur le plateau de la Butte ( la tour servait de support pour le  panneau de marque des buts).  
Le "Ciné des Folles Buttes" est toujours actif (bien qu'il n'apparaisse  pas sur les programmes de cinéma de Paris de l'époque).
En 1925 le congrès de la CGTU se déroula dans la salle ( il le sera ensuite au bal Bullier)
Les folles buttes fermèrent leurs portes en 1926.
Mouloudji s'en souvenait puisqu'il chantait: Ou volai-je le premier baiser ? ... Je crois que ce fut à Paris aux Folles Buttes, dans les étoiles. Nous devînmes de chastes amants et nous aimâmes follement des Folles buttes jusqu'aux Lilas. Il écrivit même une pièce de théâtre en 2 actes: "les Folles Buttes"

Le stade Bergeyre 

Le sport est une fête. C'était du moins le cas en 1918 ou l'on construisit sur le haut, désert et plat, de la butte Bergeyre un stade auquel on donna le nom d'un joueur de rugby mort au "champ d'honneur" en Belgique le 22 Aout 1914. Le mécène était Jacques Sigrand ( des magasins Thierry et Sigrand). Il avait une capacité de 15000 places et était le siège de l'Olympique de Paris (ancêtre du Red Star) La coupe de France 1920 s'y joua ( 2 à 1 pour les cercle athlétique de Paris contre le Havre) et des épreuves des jeux olympiques de 1924.
Le stade avait hélas un sol instable et était plutôt mal situé: il fut démoli en 1926 et laissa sa place à des pavillons. 
M Paul Souchon lui consacra un poème: C'est un plateau de gazon, une île claire et tranquille , que vient battre l'horizon, le flux de l'immense ville. Prenons l'escalier de bois, montons jusqu'à sa lumière, a nos pieds, moutonnent, vois, Paris et ses flots de pierre....

L'ile d'amour 

Face à l'église de St Jean de Belleville, près de la devanture de ( l'excellente) patisserie se  dresse un panneau commémoratif de la guinguette de 'l'ile d'amour' célèbre sous la restauration.

L'appelation "d'ile" vient de ce qu'un fossé l'entourait sur 3 cotés et "l'amour" des premiers  propriétaires des lieux: les Damour.
Les faubourgs, depuis la Courtille, étaient le lieu des guinguettes.
L'ile fut le siège de la " goguette des joyeux".
Une goguette était  une société qui se réunissait  en petit groupe de moins de 20 personnes pour passer un bon moment ensemble et chanter des chansons.
Les joyeux avait la particularité de n'accepter que des membres de plus de 60 ans ( la durée de vie moyenne était alors de 53 ans) .
L'ile ferma en 1845 pour laisser la place à la mairie de Belleville jusqu'en 1860, date de l'annexion à Paris. Le bâtiment servit ensuite comme  mairie du XXeme jusqu'en 1874.

Le moulin de la galette 

Vers 1845 le moulin de la  chopinette s'appelle  la galette et est
une guinguette. Les autres moulins semblent avoir disparu.
 Notez le chemin du moulin de la galette
qui part de la rue St Laurent ( Rebeval). 

Il y a eu des moulins dès le XVIéme siècle sur le coté occidental de la butte Chaumont. Il disparaîtront les uns après les autres dans la première moitié du XIX éme siècle, victimes du progrès de la minoterie et des carrières. Seul resta le moulin de la chopinette situé près de  l'angle de la rue Preault et de la rue Fessart. Il fut rebaptisé moulin de la galette, et fut une guinguette  comme à Montmartre. 
Vers 1820  il y avait 500 marchands de vins, cafetiers à Belleville ( et 50 boulangers).
 Le sentier de la galette y conduisait directement depuis la rue Rebeval. La partie basse du sentier subsiste toujours: c'est l'impasse Gauthier.
Il ne survivra pas à l'annexion de Belleville en 1860.

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