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vendredi 28 septembre 2012

Alice Guy: la fée aux choux

C'est au 55 rue de la Villette qu'Alice Guy, secrétaire de Léon Gaumont, réalisa au fond du jardin de son patron, ce qui est peut être le premier film de fiction: "la fée aux choux"



Alice Guy Blaché (1873 - 1968)


Alice Guy a été la première réalisatrice au monde. C'était la secrétaire de Léon Gaumont. Elle a réalisé ou produit au moins 500 films en France et aux États-Unis ( dont fort peu subsistent). 
Son patron s’intéressait surtout à la technique, pour lui les films n'étaient qu'un "à coté".
Il cédera aux instances de sa dynamique secrétaire et lui prêtera son jardin et sa toute première caméra à condition qu'elle réalise le film en dehors de ses heures de travail. 
Elle réalisa ainsi en 1896 "la fée aux choux", un film de 30 m tourné en 60mm.

Elle réalisera et assurera la production des films Gaumont jusqu'en 1907, Feuillade lui succédera.  Sitôt mariée avec Herbert Blaché, elle partit outre atlantique et  fonda son propre studio, Solax, qui fut brièvement le  plus grand studio des  Etats-Unis. 
La revue américaine Photoplay écrivait d'elle en 1912: qu'elle était "a striking example of the modern woman in business who is... succeeding in a line of work in which hundreds of men have failed." 
Les frasques de son mari et des échecs la ruina et elle divorça. 
En 1922, elle revint en France et mourut dans l'oubli : la réalisation était devenue une affaire sérieuse, une affaire d'hommes.



Mlle Alice  a initié de nombreuses techniques nouvelles: l'utilisation des gros plans, les "reaction shots" ( plan montrant la réaction d'un témoin de la scène principale) et la surimpression. Elle a mis le feu à des  voitures, fait exploser diverses choses, introduit  des flash back , utilisa des  animaux  et tourna le premier film sur le tournage d'un film...


La fée aux choux

Cliquez sur l'image pour visualiser l'extrait

Il faut  rappeler le scénario tel que le présente le catalogue Gaumont de 1901.
Une fée dépose  des bébés vivants qu'elle retire des choux . Très gros succès.

La maison de la femme de Gaumont est au
55 rue de la Villette ( rond noir).
Le lieu de tournage probable, orienté Sud,  est donc
figuré par le rond  vert
Au dessus de l'image,  au Nord, les réservoirs des
 Buttes Chaumont et le parc.

 Gaumont construira son atelier en Janvier 97 au fond
du jardin  Ruelle des sonneries ( rond rouge).

A gauche la maison que louera Alice à Gaumont.
(rond jaune)
Pour l'évolution de la cité Elgé
voir l'article : les ateliers Gaumont
La version 35mn de l'appareil associé à une lanterne magique
pour la projection .
Chronphotographe 35mm en configuration prise de vues 
Alice déclare dans ses mémoires publiés 8 ans après sa mort
On m'a donné une terrasse inutilisée avec un sol en asphalte (ce qui rendait impossible la plantation d'un vrai décor), couverte d'une verrière branlante  et  ouvrant sur un terrain vague. C'est dans ce palais que je fis mes premières armes. Un drap peint par un peintre éventailliste (et fantaisiste) du voisinage ,un vague décor, des rangées de choux découpés par des menuisiers , des costumes loués ici et là autour de la porte Saint Martin, Comme artistes: mes camarades, un bébé braillard, une mère inquiète bondissant à chaque instant dans le champ de l'objectif. Mon premier film a ainsi vu le jour. Aujourd'hui , il est considéré comme un classique. La Cinémathèque Française a le négatif.
Le récit est quasi identique dans une conférence faite en Suisse en 1944 et rapportée par Victor Bachy. (2)

Les historiens du cinéma ont discuté pour savoir si ce film était de 1896 ou de 1901.(3)
En effet la fée aux choux n'est mentionnée que dans le catalogue des films 35mm de  1901.
La situation est compliquée par l'existence d'un "remake" de 1902 "sage femme de première classe" ou un jeune couple achète son bébé à une marchande, Mme Féauchoux, qui cultive  des  bébés dans des choux identiques (5)

Retenir 1901 ou dire que ce n'est pas Alice qui a tourné  revient à  la traiter de menteuse puisqu'elle a expliqué dans ses mémoires les circonstances et la date du tournage.
Comment si ce film date de 1901 peut il y avoir dans le catalogue de la même année la mention "très gros succès" que lui seul possède ?
Il est prouvé (13) qu'Alice Guy dirige la production Gaumont de 1897 à 1907. Pourquoi un industriel avisé comme Gaumont aurait-il donné cette direction à sa secrétaire si elle n'avait fait ses preuves auparavant ?


L'histoire probable du  film d'Alice est la suivante.

Alice Guy est entrée au comptoir général de photographie, que venait de reprendre Léon Gaumont ( voir l'article les ateliers Gaumont), en 1895. Le 23 Mars elle assiste avec son patron à la première projection  parisienne des frères Lumiére.
Gaumont est très intéressé, il s'adjoint les services d'un inventeur au bord de la ruine, Demeny, qui propose un appareil  de prise de vue sur un film de 60mm. et une visionneuse , le Phonoscope.
L'idée de Gaumont est d'utiliser le même appareil pour la  prise de vue  et la projection ( ce que font les frères Lumière et que feront tous les industriels à cette période): ce sera le chronophotographe développé par l'ingénieur maison: René Decaux.
Le 26 Avril 1896  Alice Guy, en bonne secrétaire, écrit à Demeny pour le convoquer à une démonstration du nouvel appareil. C'est une caméra/projecteur utilisant un film de 60mm perforé de 35 mètres, ce qui autorise une prise de vue d'une minute. L'entrainement est assuré par un pignon et une came battante.
C'est cet appareil qu'Alice peut utiliser  en août ou septembre.
La fée aux choux est probablement un film de "démonstration" qui a peut être servi à convaincre la direction du Chatelet de laisser Gaumont filmer une de leurs féeries ballets" La biche aux bois" , et de la projeter en Novembre 96.
Peu après le 35mm perforé s'imposa : le film du catalogue de  1901 est donc la transposition en 35mm du film original .(10) L'extrait présenté est "peut être " ce film.

La fée aux choux est il vraiment le premier film de fiction ?
Il y a deux concurrents principaux possibles.
  • L’arroseur arrosé des Frères Lumiére, s'il est considéré comme une fiction, à l'avantage des dates puisqu'il fur présenté le 28 Décembre 1895 au salon indien du grand café.
  • Le manoir du diable de Mélies est lui aussi de 1896 et à l'avantage de sa conservation.
Alice dit elle même dans une lettre à Louis Gaumont le 5 janvier 1954: " Je pense que les Lumière, avec ‘L’arroseur arrosé’ sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène auquel je fus seule, pendant 17 ans, a avoir droit. La seconde femme metteur en scène fut une Americaine, Mrs. Smalley qui a travaillé d’abord sous nos ordres à Flushing pour le parlant "
A vrai dire les films et le personnage d'Alice Guy ont tellement été occultés (28) que l'on ne peut que se prendre de sympathie pour elle et réaffirmer son titre de gloire incontestable: ce fut, dans un monde d'hommes, la première réalisatrice au monde.


La conférence de M Gianati: "Alice Guy a t'elle existé ? "

Cet article a d'abord été rédigé sur la base des deux sources traditionnelles: le livre de Victor Bachy, qui est le seul historien à avoir interviewé Alice, et les mémoires d'Alice Guy.
Sur Wikipedia les articles français sur Alice m'ont semblé étranges et j'ai constaté qu'ils sont pratiquement basés sur une seule source: une conférence de plus de 2 heures  donnée à la cinémathèque par M Gianati.
Le titre de la conférence l'indique: M Gianati fait partie de ceux qui ne croient pas qu'Alice ait tourné en 1896 et il lui dénie d’ailleurs  tout rôle important dans l'histoire du cinéma. 
Il y a, selon moi, dans cette conférence un seul élément nouveau: l'age d'Yvonne Serand. C'est sur cet unique élément et en faisant "une relecture critique"  d'une partie choisie des données anciennes  que M Gianati  propose une "vision plus resserrée".

La conférence se déroule en quatre tableaux. 

Premier tableau: Il est impossible qu'Alice Guy ait tourné en 1896 !


Cinématographe Grenier
Léon Gaumont écrit  dans les années 30 à propos des premiers
clients :"Ce furent des forains, les Grenier qui avaient une grande
 loterie. Alice Guy qui réalisa les premiers films Gaumont ,
à partir de 1896, raconte qu'elle fut invitée....".  BIFI LG364-B50
S'il est de 1896, ce film a été tourné en 60mm et on ne peut obtenir un film 35mm de 20m à partir du 60mm. Il est en outre impossible qu'il en fut tiré 80 copies ainsi qu'elle le prétend. 
Le chronophotographe de 60mm a des bobines de 35m 1000 images (6), il est donc possible d'obtenir un film de 20m 35mm.

Alice parle  des 80 copies dans un article  au New Jersey Star
"This film was so successful that it sold eighty copies and had to be remade at least twice, as the original prints disintegrated (7)"

Rien ne dit  qu'il s'agit de copies 60mm en 1896.

Victor Bachy  interviewe Alice en 1963 ( elle a 90 ans) et elle lui montre la coupure de presse ou le journaliste du Star ajoute: " l'expérience dans ce domaine de Mme Alice Guy remonte à 1895"  et  ou elle a corrigé: 1896.

Léon Gaumont  écrit explicitement,  dans son projet de nouvelle notice pour les établissements Gaumont, qu'Alice a débuté en 1896 (8)

Le scénario très "simple" indique d'ailleurs  une date reculée.

Alice Guy ne reconnait rien dans un catalogue 1900 de la maison Gaumont que lui envoie Louis Gaumont, donc elle n'a rien tourné avant 1900 ( donc Alice est une affabulatrice)

La correspondance avec Louis Gaumont démarre en 1953. Madame Alice a alors 80 ans.
Cette correspondance, tout de même "tardive", ne peut de toute manière avoir "le même poids" que celle avec son patron. dans l’appréciation de son oeuvre (Il en est de même des interviews de Victor Bachy à 90 ans ) 


Elle écrit à Louis Gaumont  19 Janvier 1954 "Dans le catalogue que vous m'envoyez, je ne reconnais à peu près rien. Il est vrai qu'à 54 ans de distance cela n'a rien d'étonnant" . 
La réaction d'Alice Guy est interprétée comme étant celle d'une mythomane qui refuse de reconnaître la vérité avec par exemple : " je n'ai jamais vu cette vie du Christ". Dans la suite de la conférence, comme chez d'autres historiens,  il est expliqué que Lear avait tourné une vie du Christ et avait vendu l'ensemble de ces négatifs à Gaumont. Une explication simple de ce catalogue peut donc être: Gaumont, ravi de l'aubaine, fait  imprimer  un catalogue avec les films achetés à Lear  et à d'autres  et celui ci est évidemment  complètement inconnu d'Alice. (9)

Le film n’apparaît que dans le catalogue 1901 et porte le n°379 près des vues de l'exposition et de la visite du président Loubet (n° 397). Il est donc de 1900 au minimum
C'est l'argument classique des partisans d'une date tardive. Il faut tout de même remarquer qu'il est encadré par les n°377, 378 et 380 (10) qui sont ... des retirages de films 60mmm !
Ce film est le seul, sur 478 décrits dans le catalogue,  à porter la mention "très gros succès  ce qui suppose qu'il a déjà une carrière derrière lui. 
McMahan suggère que "la fée aux choux" fut tourné comme film de démonstration afin d'obtenir le contrat du Chatelet pour le tournage et la projection de" la Biche aux bois" en 1896 (11)

Deuxième tableau: Alice n'a pas tourné la fée aux choux mais d'autres l'ont fait.

Il y a là un curieux changement d'argumentation, car si Alice ne l'a pas  tourné il était inutile de démontrer que le film était de 1900. Le premier tableau ne sert qu'à introduire "le doute".

Les premiers films de fiction de la maison Gaumont sont l'oeuvre d'Hatot, de Breteau et de Lear, voire d'autres.
 Ces trois auteurs ont surement fait ou vendus(12) des films à Gaumont, mais pourquoi cela exclurait t'il Alice de la réalisation à cette période ?
Ceci est pourtant pris comme base indiscutable:  sans aucune preuve il est affirmé qu'Alice n'a pas tourné avant 1902. Logiquement il s'en suit qu'un des trois serait l'auteur de "la fée aux choux", sujet typiquement masculin.
Il situe le film dans le jardin de la maison que louait Gaumont à Alice en face des ateliers de l'autre coté de la ruelle des sonneries.
Cette situation de tournage ne sert que d'argument pour refuser la  date de 1896 puisque Gaumont  fait l'acquisition de cette maison en 1897. M Gianati  présente comme argument un tableau de cette maison qui la représente comme une agréable villa avec un vaste jardin fleuri. Si on se rapporte au plan parcellaire la largeur totale du terrain est de 10m, Alice a surement raison de qualifier ce lieu "d'horrible machin" et d'affirmer qu'elle habitait quai Malaquais lors du tournage(13). 
D'autre part il est très improbable que des films aient été réalisés, comme il l'affirme, sur la terrasse située à gauche, au Nord, de l'atelier vu sa largeur et l'ombre que celui ci projetterait.
La terrasse disparaît d'ailleurs en 1899 au profit d'un agrandissement.(14) 
Il est par contre probable que les premiers films de fiction Gaumont aient été réalisés dans le fond de son propre jardin, à proximité de l'atelier de 1897 et qu'il existait un modeste studio, une verrière (15), avant la construction de la "cathédrale" en 1905.

Troisième tableau: La carrière d'Alice Guy commence en 1902

Pour réaliser cette démonstration en restant cohérent avec les textes, il va suffire de dire que le premier film d'Alice est "sage femme de première classe" de 1902  puisque la première "fée aux choux" n'est  pas son oeuvre.

Selon M Gianati le  premier film d"Alice, qui "fréquentait les studios de la Villette et a peut être donné des idées de films", serait de 1902
Alice Guy écrit au Temps en  1933 (16) "de 1897 à 1907 j'ai dirigé la production de la maison Gaumont" . La publication dans un grand journal de telles affirmations auraient évidemment fait réagir Léon Gaumont si elle étaient fausses. 
De plus, en  1936, Alice écrit  à Léon Gaumont  "A la tête du service de prise de vues... j'y ai consacré durant 11 ans le meilleur de moi même ".
Léon Gaumont écrit lui même qu'elle débuta en 1896 (8)
Ces trois  faits sont ignorés par  M Gianati qui préfère dire  que Léon Gaumont a  confié vers 1902 ( voire plus tard)  la direction de la production  de sa maison  à une personne, une femme, totalement inexpérimentée . 
Sage femme de 1ere classe
Germaine, Alice (29 ans),
 Yvonne (16 ans) en 1902
Le premier film d'Alice ne serait même pas "la fée aux choux" du catalogue 1901 mais "Sage femme de première classe " du catalogue 1902. 
"La fée aux choux" est un film de 20m qui apparaît dans le catalogue 1901 et est toujours là dans le catalogue 1908  sous le n°379.(17) "sage femme de première classe apparaît en 1902 sous le  n° 626, il fait 100m. 

Dans ce dernier film il n'y a pas de fée, il s'agit d'une marchande de bébé,  bien achalandée (6 bébés vivants), Mme Féauchoux,  à laquelle un jeune couple achète un bébé. Il ne viendrait à personne l'idée d'intituler ce film "la fée aux choux", si ce n'est le  nom  de la marchande du film. Ce nom   indique plutôt un clin d'oeil d'un metteur en scène qui fait un remake. 
Remarquons qu'on ne fait pas un remake un an après la sortie d'un film, même en 1902. 
M Gianati amène un argument nouveau: Yvonne Serand a 10 ans en 1896 et ne peut être la fée alors que dans ses mémoires Alice l'a désigne comme son actrice. Il en déduit qu'Alice ayant  menti, il faut remettre en cause tout ce qu'elle dit.
Il faut tout de même remarquer que quand Alice décrit le tournage de la fée aux choux, elle dit qu'elle l'a fait "avec des amis", sans plus de précisions. Ce n'est que beaucoup plus loin dans le texte  qu'elle dit "on m'a donné deux assistants... Louis Feuillade ... et une secrétaire, Yvonne Serand qui joua dans la fée aux choux et deviendra la femme du metteur en scène Arnaud".
La fée et Yvonne
Si on considère  "sage femme de première classe" comme un remake, la confusion est  parfaitement pardonnable à ce point du texte.(18)

Alice est décidément de mauvaise foi quand elle dit à Victor Bachy " une sage femme ? je n'aurais jamais oser à cette époque" alors qu'elle a 29 ans 
Il faut citer intégralement le passage de l'interview d'Alice à 90 ans (1964)
VB: "Dans une autre partie du livre (de Georges Sadoul) il cite comme vos films "la fée aux choux  et "les aventures d'une sage femme". Dans un passage il les confond tous les deux , dans un autre  il en fait allusion séparément  Est ce qu'il y a vraiment deux films distincts ? "
AG: "L'histoire d'une sage femme ? A cette époque là je n'aurais jamais osé parler de ce genre de chose. "La fée aux choux"  Ça fait partie de mon histoire"
Alice est une femme de bonne famille, elle raconte dans ses mémoires que "le plus embarrassant moment de sa vie" fut   lorsque chez des amis, à  la fin d'un cylindre  qu'elle avait amené, on entend soudain une voix qui chante un couplet grivois.
Il est probable qu'elle interprète la question au premier degré et que pour elle il est inimaginable de conter les aventures d'une accoucheuse.(19)

Il est cependant également probable qu'Alice elle même confond les deux films ou leur donne  le même titre puisqu'elle écrit à Louis Gaumont en 1954:
"Dans la photo de la fée aux choux figurent  mes amies Germaine Serand  et Yvonne Serand ( qui deviendra plus tard Mme Arnaud)"
Les photos de tournage, dont elle dit elle même qu'elles ont été faites "après coup", l'induisent en erreur. Victor Bachy ne lui rend pas service en ne relevant pas qu'il y a un problème.
Ce dont je donne acte à M Gianati ( mais ceci n'est pas nouveau puisque qu'expliqué dans le livre de Joan Simon avec des conclusions toutes différentes(20))

C'est Zecca, en 1903, qui a tout appris à Alice 
Pour M Gianati, la jeune et inexpérimentée Alice arrive à conserver son  poste de directrice de production  alors que Zecca est son professeur. Elle fait de tels progrès qu'elle se maintient  en 1904 quand "la production Gaumont évoluera nettement vers la mise en scène" (Sadoul) 
Alice précise dans ses mémoires que son professeur fut Frédéric Bailly, consultant de la première heure du comptoir  général de photographie (21)
Pour établir sa liste de films d'Alice, il écarte celles de Victor Bachy et celles de McMahan et veut partir des listes qu'Alice a donné en enlevant ce qui, selon lui n'est pas d'Alice. Il note que les listes d'Alice "contiennent un message subliminal": il n'y a pas de film antérieur à 1902
Le démarrage d'Alice en 1902 efface d'un coup 150 films des listes de Victor Bachy  et de McMahan: ceux ci ont été réalisé ... par d'autres.
Tout d'abord je ne vois pas très bien comment Alice, en 1953 à Washington, aurait pu se rappeler de toute sa production. La source de la liste des films d'Alice semble être une "liste dactylographiée que vous m'avez remise" par Léon Gaumont  en 1939 (22).
M Gianati s'acharne à interpréter la filmographie dans le sens le plus défavorable à Alice.
Par exemple Alice cite dans ses mémoires  "déménagement à la cloche de bois" qui peut être le  (n° 149) de 1898 mais qu'il donne comme un film de 1907 (n°1616) (23)
Je laisse à des gens  compétents le soin de faire une critique de la liste de M Gianati.

Quatrième tableau:  Alice Guy confond  les dates et parle  de 1896 alors qu'elle a débuté en 1902 et son apport réel est d'avoir transformé  la production Gaumont.

Pour conclure la conférence il tout de même expliquer pourquoi les historiens se sont laissé trompés et essayer de recaser Alice dans l'histoire du cinéma


 Alice confond perpétuellement les dates. M Ganiati cite comme incohérence majeure  "je fus la seule durant 17 ans à avoir droit à ce titre ( de metteur en scène) "; le dernier film d'Alice étant de 1919 il en tire argument pour donner son début de carrière en 1902. 
Il omet qu'il  y a une autre femme metteur en scène au début du cinéma, Lois Weber, qu'Alice connait bien puisqu'elle a joué pour Gaumont. Cette dernière réalise son premier film en collaboration avec Smalley en 1911 et un premier film conséquent "suspense" en 1913 : 1913-17= 1896 (24) . Il oublie qu'Alice écrit à Léon Gaumont en 1936 "A la tête du service de prise de vues... j'y ai consacré durant 11 ans le meilleur de moi même ":1907-11=1896.
Alice est d'ailleurs une mythomane conséquente (26) qui a déclaré a un journaliste du New Jersey Star en 1914 qu'elle avait débuté en 1896.
Elle récidive en 1939 Dans une lettre à Léon Gaumont (25), puis en 1953 dans sa correspondance avec  Louis Gaumont, puis   dans ses mémoires:.
"(Georges Sadoul) m'a promis de rectifier cette partie dans les prochaines éditions, ce qu'il a honnêtement fait bien que son énumération contienne encore des erreurs: la fée aux choux date de 1896 (chapitre 4)"
"Le premier film dont je parle dans la première partie de ces mémoires est de 1896 ( chapitre 7)"
et enfin dans l'interview avec Victor Bachy en 1963.(13).
Louis Gaumont la croit puisqu'il écrit deux articles sur elle avec cette date de début: 1896
Quand elle fait ses premières déclarations  il y a des témoins  ( Léon Gaumont, Feuillade, Zecca,..) et  quand elle fait ses dernières déclarations il y a des historiens , personne ne l'a contredite. (27)
Elle a transformé (Gaumont) en 2 ans, de 1902 à 1904 , elle est devenue une grande société de cinéma : C'est là son titre de gloire  
Comment croire à l'ascension fulgurante d'une femme dans une société déjà puissante en 1902 et dans une industrie qui n'en est déjà plus à ses débuts ?

Chacun peut écrire son histoire, puisque les preuves sont fragiles, mais celle là est vraiment improbable(27).
La version "traditionnelle", " Alice Guy a commencé a tourné en 1896", a une base solide : les écrits non contredits d'Alice elle même et aucune preuve contraire nouvelle n'est amenée dans cette conférence. (28) 

Comme je le disais en prologue, tout cela ne serait pas grave si  cette conférence n'avait été prise pour base de rédaction de l'article français de Wikipedia sur la fée aux choux (29). L'article anglais et l'article allemand de l'encyclopédie gardent la position "traditionnelle" exprimée sur ce site:  réalisation par Alice Guy en 1896

Si ce n'est ce parti pris, déboulonner Alice,  la conférence est très documentée et présente des films rares. On ne se rend pas compte à la première vision que la moitié de l'exposé ne concerne pas vraiment le sujet mais les appareils Gaumont, la série N, la cité Elgé, les films et les photos d'époque.
  1. Le décor, ou pour être exact l'absence de décor, du film "la bonne absinthe" de 1899 est compatible avec la description d'Alice. Dans ce film, l'ombre visible à gauche serait alors celle du premier atelier Gaumont  l'après midi.  A droite on aurait l'appentis visible sur des photos de tournage. (je vous accorde qu'il pourrait s'agir de n'importe quel mur mais pourquoi aller plus loin que le jardin de M Gaumont ? )
  2. La permission ( de faire le film) me fut accordée à condition que cela n'empiète pas sur mon travail de secrétaire. J'eus tôt fait de réunir quelques amis, de choisir des costumes et d'écrire un semblant de scénario.
    A coté des ateliers de travaux de photographiques, à Belleville, se trouvait un petit jardin, précédé d'une terrasse au sol bitumée, close par un grand mur(1). C'est là que je mis en scène mon premier film "La fée aux choux".Un rideau de fond brossé par un peintre éventailliste du voisinage, des rangées de choux découpés dans du carton et peints d'un vert cru, des bébés de carton, sauf celui qui devait être découvert pour leur plus grande joie par un couple d'amoureux .... Je ne vous dirais pas que ce fut une merveille... Cependant, si extraordinaire que cela puisse paraître aujourd'hui ce fut un succès.
  3. Anthony Slade, Victor Bachy, Charles Ford, Allison McMahan croient Alice Guy. Lacassin doutait; Laurent Manonni et Maurice Gianati  sont pour un premier tournage d'Alice en 1901 voir 1902.
  4.  Il est important de noter que la description d'Alice et celle du catalogue correspondent alors qu'Alice  n'a évidemment plus le catalogue sous les yeux depuis longtemps.
  5.  Cela peut s'expliquer par le fait que le même "peintre éventailliste" du quartier a été utilisé par Alice dans cette période.
  6.  Description du chronophotographe dans la Nature 1896 2éme semestre par Mareschal p392.. ".
    La "biche aux bois" filmé par Ducom au Chatelet en 1896 et colorié  approche les 35m (un avantage du 60mm est qu'il permet de colorier le film plus facilement ). Sadoul écrit même :"ce film de large format mesurait 35m et comportait un millier  images" (T1 p375)
  7.  New jersey  Star 1914 rapporté par McMahan p 23Victor Bachy p 35
  8. Léon Gaumont  veut compléter dans les années 30 sa "notice sur les établissements Gaumont", la guerre arrivera alors que ce travail n'est pas fini. C'est cependant l'occasion de courriers et d'échanges de textes entre Madame Alice et Léon Gaumont .Dans la note manuscrite sur "les premiers client"s on lit:"Ce furent des forains, les Grenier qui avaient une grande loterie. Alice Guy qui réalisa les premiers films Gaumont , à partir de 1896, raconte qu'elle fut invitée....". Le document de la cinémathèque BIFI LG364-B50 serait un faux ? Léon Gaumont considère  d'ailleurs Mme Alice comme une source fiable "Si je revois le journaliste de "7 jours" je lui donnerai votre nouvelle adresse en insistant pour vous demander de vive voix tous renseignements complémentaires qu'elle pourra désirer sur les débuts de prise de vues à la maison" 8 /9/1941 BIFI LG371B50
    NB: Ernest Grenier et Adrienne sa fille font partie des forains pionniers du cinématographe. Ils proposent en mai 1898 le chronophotographe à Chartres ( Deslandes Richard  T2 p 165)
  9. En même temps que sa demande Louis écrit" je pense qu'à cette époque notre production n'étant pas très organisée  la maison éditait des films produits par des particuliers comme Gers ou Londe" 19 Janvier 54 BIFI 371B50
    Elle écrit d'ailleurs à Louis "je pense que la plupart des films figurant sur ce catalogue ont été achetés à des opérateurs du dehors ou pris à l'extérieur par des employés du laboratoire" Janvier 54  BIFI LG371B50. ( "à l'extérieur" signifie bien qu'il s'agit de reportages, pas de fictions)
    L'évocation de la série N dans la conférence, sous prétexte qu'Alice croit y reconnaître un film dans le catalogue, n'apporte rien si ce n'est l'exposition d'un catalogue de 1907 commençant au n°11. McMahan crédite Alice des n° 1 sortie de bain, 2 peintres et modèles , 3 l'indiscret , 4 le tub  (p 300)
  10. Les autres  transpositions 60mm effectuées  concernent plusieurs  films de la Série A 35mm  suivant Bachy et Mc Lean :baignade de chevaux à la caserne(377), promenade des animaux au jardin d'acclimatation (378) , baignade dans le grand bain (380). 
  11. McMahan P 15: with a demonstration film like la fée aux choux it would have been easier  for Gaumont to win such a contract with the Chatelet
  12. Lear vend ses négatifs en 1898 d'après Sadoul. Gaumont produit peu de fictions par rapport à Pathé, mais sa production interne n'est tout de même pas nulle.
    La production de fictions Gaumont de cette période est modeste comparée à celle de Pathé mais ce n'est pas non plus un argument pour en écarter Alice.
  13. Ajoutons l'extrait de l'interview par Victor Bachy :
    AG: Il y avait une petite maison que Gaumont avait à Belleville, Il y avait ce jardin et devant il y avait une petite plateforme cimentée et c'est là que j'ai tourné mon premier film
    ....
    VB: Cela date de quand alors ?
    AG: Cela date de 96. Les gens n'avaient jamais vu ça. J'habitais entre l'Académie et l'école des Beaux Arts 
    ( et non à Belleville. La petite maison est celle ou habite Gaumont !)
    Les premiers ans du cinéma français Institut Jean Vigo 1985
     Louis Gaumont confirme 1896 dans : Le cinéma Juillet 55 , la technique cinématographique 1955  LG376B51 at la conférence au centre culturel américain de  1957 LG379B51
  14. Il me semble que M Gianati se trompe dans l'orientation du bâtiment: Le moteur à gaz ne peut être qu'a l'Est ( à l'opposé de l'entrée de la ruelle des sonneries) ce qui donne la terrasse sur la chambre noire au Nord.
    M Gianati n'est pas le seul à affirmer que l'on a tourné sur cette terrasse. En l'absence de document "primaire" je pense plutôt qu'il y a confusion: la terrasse a été créée pour fournir un toit étanche à la lumière pour le tirage des films qui se trouve en dessous ( et non au tournage).
    Il est difficile de se faire une idée sur le début des constructions car il  n'existe, ruelle des sonneries, qu'un permis de construire du 28 Décembre 1896. L’agrandissement incontestable de 1899  n'a pas, à ma connaissance, de permis connu. Les permis suivants datent de 1904 et sont enregistrés au 12 rue des alouettes.
  15. M Gianati donne lui même une photo de Zecca avec un ballon marqué Elgé dans lequel se reflète cette verrière, ceci en 1903. Cette verrière n'a manifestement rien à voir avec une "verrière branlante" telle que l'a  décrite Alice  dans ses mémoires à propos de 1896 . Il donne aussi des photos de tournage dans le jardin.
    C'était "une sorte de véranda qui était adossée à un mur en briques dont les cotés étaient pleins jusqu'à hauteur d'appui, au dessus vitré en verre dépoli ainsi que la toiture ; au sol un  parquet en sapin monté à l'anglaise à joints perdus; la face restait ouverte. Ce fut le premier plateau organisé de la maison Gaumont " 90
     ans de cinéma page 101.
    Les extérieurs se tournaient souvent dans la tranquille  rue de l'Encheval ( Rochegude, promenades dans toutes les rues de Paris.)
  16. Dans le "courrier du cinéma" du Temps du 23 Septembre quelques lignes " Germaine Dulac fut chez nous la première femme metteur en scène  Après elle vint en Amérique Dorothy Azner .."  Dans le numéro du 30 Septembre on lit "Mme Blaché proteste et revendique pour elle le titre de "première femme metteur en scène dans une longue lettre ....( elle écrit :)  " de 1897 à 1907 j'ai dirigé la production de la maison Gaumont, ayant sous mes ordres des artistes de talent tel Feuillade, Jasset,  etc...".  Elle signale aussi qu'elle a reçu les palmes académiques en 1907 en tant que "directrice de théatre". Il est évident que Léon Gaumont aurait réagi à cette publication dans un grand journal s'il s'était s'agit d'affabulations.
    Alice n'était cependant pas complètement oubliée puisque la même année René Jeanne écrit " Chez Gaumont ce fut une femme Mlle Alice Guy, secrétaire de Léon Gaumont, qui prit l’initiative de ce nouveau genre de production" ( autre que des "documents sur la nature et la vie"). Le Cinéma, éditions du cygne 1932  p176)
  17.  cahier de la cinémathèque Dec 95. En feuilletant le catalogue Gaumont de janvier 1908. Roger Icart et Georges Sadoul 
  18. Ce paragraphe des mémoires d'Alice est vraiment un "raccourci" puisqu'elle écrit  "après quelques mois (du début de mon activité) on me donna deux assistants (Feuillade et Yvonne Serand)". Même en admettant la date tardive de 1902 pour un début de carrière, Feuillade arrive plus de 3 ans après  et il est peu probable qu' Yvonne Serand soit embauchée à 16,17 ans.  
  19. Le titre "sage femme de 1ere classe" n'est tout de même pas très en rapport avec le sujet. Il est cité approximativement par Victor Bachy ce qui accroit la confusion 
  20. This confusion, one of the rare points where the Autobiographie is clearly unriable is in  a way enterely understandable. Adam Williams. Joan Simon p 36

  21. M Bailly  écrit une description du chronophotographe dans la Science Illustrée 2éme semestre 1896.
    Si, suivant Laurent le Forestier,  le poste de Zecca chez Pathé n'était "pas très clair" il varie entre "inspecteur général "ou "directeur général" d'une société qui produit plus de fictions que Gaumont ( souvent des copies des oeuvres des autres). Il vient chez Gaumont en 1903 ( la datation est de M Gianati, Sadoul plaçait l'incursion de Zecca chez Gaumont en 1904 ( T2 p291 et 348)), ce qui prouve au moins que Gaumont avait un studio sinon comparable à Vincennes du moins convenable. La pauvre Alice devrait donc immédiatement perdre son poste et au lieu de cela Zecca lui sert gentiment de professeur.
  22.  Alice déclarait en réponse à l'envoi de la liste  "J'étais surprise du nombre de films que j'avais moi même dirigé". Elle est peinée de voir la fée printemps,  Esmeralda , la vie de Jésus  attribués à Feuillade9/10/39 16/10/39  BIFI LG 371B50
  23. Dans le fameux catalogue 1900 Alice reconnait le "n° 149 Déménagement à la cloche de bois ".  Réponse à la lettre du 19/1/54 LG371B50Victor Bachy donne lui le n°1617 et la date de Septembre 1906 pour le  "déménagement"  de 92m. Notons que M Gianati écarte plusieurs films de 1907 ( pour cause de départ d'Alice aux Etats Unis) mais que celui là est conservé. 
  24. Dans "Le Temps" du 30 Septembre 1933 " Au nom de Mrs Dorothy Arzner, que nous avions citée parmi les premières réalisatrices de film , en Amérique, Mme Alice Blaché veut bien ajouter celui de Mme Smalley ( Loïs Weber) "
    Voir aussi la note (15) ci dessus.
  25.  la lettre est corrigée par Léon Gaumont avec la mention "à compléter" sur le description de 6 lignes de son premier film en ... 1896 BIFI LG374-B51,
  26. Elle doit être en pleine confusion de date lorsqu'elle écrit en 1954 à Louis Gaumont: " Je pense que les Lumière, avec ‘L’arroseur arrosé’ sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène auquel je fus seule, pendant 17 ans, a avoir droit. La seconde femme metteur en scène fut une Americaine, Mrs. Smalley qui a travaillé d’abord sous nos ordres à Flushing pour le parlant "
    Louis lui répond : « Votre remarque sur la priorité des Lumière en tant que premier metteur en scène est tout à votre honneur,mais certains assurent que ‘L’arroseur arrosé’ ne date que de 1900. Il est un fait, c’est qu’il ne figurait pas au programme du Grand Café de décembre 95. »
    Elle récidive: « J’affirme que ‘L’arroseur arrosé’ a été présenté à une séance privée de la Société d’Encouragement à l’Industrie Nationale, Bd. St. Germain, avant l’ouverture du Grand Café, et si cette ouverture a eu lieu en 1895, cela confirme mon dire que j’ai bien commencé en 1896, puisque Demenÿ était déjà en rapport avec la Maison et que l’appareil de prise de vues était à l’étude, en 60mm et avec le
    premier entrainement à cames que vous connaissez. » 5 Janvier 54 ,  19 Janvier 54, ? Janvier 54  
    BIFI LG371B50
  27. Lacassin proposait comme explication du début de carrière d'Alice: "A titre accessoire et pour les besoins de la démonstration, Gaumont a produit jusqu’ici quelques bandes documentaires ou d’actualité. Le succès du nouvel appareil l’oblige à fournir aux acheteurs des films de fiction analogues à ceux de Pathé. Il charge son active secrétaire d’organiser cette nouvelle branche. Faute de moyens et de personnel qualifié, Mlle Alice va régler elle-même le problème. (…) L’initiative ayant rencontré les succès et l’expérience ayant plu, son auteur va récidiver. Elle en a le loisir : il s’agit de réaliser en tout et pour tout de douze à vingt très courtes bandes par an." ( contre histoire du cinéma)
    Anthony Slide était du même avis: "It was possibly this lack of interest which led him, early in 1896, to allow his secretary Alice Guy, to write, photograph and direct, with the help of a friend, Yvonne Mugnier-Serand, a short titled ‘La Fée aux choux’ (Early women directors p 15) 
  28. Mélies a lui aussi connu l'oubli mais il en sort en 1929 alors qu'en 1933 "Le Temps" publie encore que la première femme metteur en scène fut Germaine Dulac(15). Il faut attendre 1957 pour que la cinémathèque lui rende un hommage, 1958 pour qu'elle reçoive la légion d'honneur et elle meurt en 1968 sans avoir trouvé d'éditeur pour publier ses mémoires.
    Cet oubli fait qu'en l'absence de preuves irréfutables on peut réécrire l'histoire suivant le sentiment personnel que l'on a d'Alice. Le balancier de l'histoire a fait qu'Alice est devenue aujourd'hui une icone du féminisme, il est quasi normal qu'en retour de balancier certains veuillent proposer une "vision nouvelle", et dégradée, de son personnage.
  29. et gravement modifié l'article français sur Alice Guy  ou cette conférence est la base de 4 références sur 8. Bachy n'est jamais cité alors que tout de même c'est lui qui avait interviewé Alice Guy  et osé le premier  lui consacrer un livre. M Gianati "consacre" l'opinion de Laurent Mannioni (correspondance commerciale Gaumont  p120), de Bernard Bastide et de  Pierre Philippe.

La fée aux choux existe t'elle encore ? 


Il est très curieux que M Gianati, et aucun historien, ne s'étonne pas de la réponse  d'Alice  à propos de la description du scénario de la fée aux choux  que lui a demandé  Louis Gaumont  en 1953 ( elle a donc 80 ans):

"Deux jeunes mariés se promenaient dans les champs pendant leur lune de miel . Ils arrivaient auprès d'un champ de choux ou un paysan travaillait. le jeune homme se penchait à l'oreille de sa jeune femme et lui demandait si elle aimerait avoir un poupon. Elle acceptait en baissant les yeux ( c'était la mode en 1900) et le jeune homme interrogeait le paysan. celui ci dérangé dans son travail leur donnait avec humeur la permission de chercher dans son champ. Le jeune mari découvrait tout d'abord un bébé de carton qui les décevait intimement mais la jeune femme entendait soudain un gazouillis derrière un choux plus éloigné , elle y courait et découvrait un beau poupon bien vivant qu'elle rapportait en triomphe à son mari. après avoir dédommagé le paysan ils partaient tous les deux ravis  pendant que le paysan retournait à son champ en haussant les épaules" (15 Avril 1953 BIFI  LG371B50)

Cette version du scénario peut être partiellement confirmé par l'interview de Victor Bachy: "c'est l'histoire de deux amoureux qui ont tenté d'avoir des enfants .. on avait mis des poupons en bois, en feutre, sauf un... les amoureux trouvaient ça derrière le choux. C'était pas terrible "
Notons aussi dans ses mémoires " un bébé braillard et une mère inquiète" ( pas deux, ni six, comme dans les films connus)
On a fait correspondre les descriptions du film par Alice à ce que nous connaissons car elles ne parlent le plus souvent que des décors ou  évoquent vaguement les personnages,  mais connaissons nous la vraie "fée aux choux " ? 
La découverte miraculeuse en 1996 d'"une fée aux choux" a semblé clore le débat car elle correspond à la description du catalogue 1901.
Il est clair qu'elle ne correspond pas à la description d'Alice.(*)
On se trouve à nouveau avec un dilemme.

  1. La vieille dame déraille sur son premier film 
  2. Alice est une menteuse qui  a toujours forgé de toutes pièces sa légende et elle en a fait un peu trop
  3. Nous n'avons pas la vraie fée aux choux

Si à la toute  fin de sa vie Alice ne se rappelait plus qu'elle fut cinéaste, il semble clair que ce n’était pas le cas quand elle écrivait ses mémoires, des lettres à Louis Gaumont ou quand elle parlait à Victor Bachy.
-> La vieille dame ne déraille pas
Si Alice est une menteuse sur ses débuts alors Léon Gaumont l'est aussi (8) et on ne voit vraiment pas quel serait son intéret.
-> Alice ne ment pas
Il me semble donc que nous ne connaissons pas la vraie féee aux choux de même que nous ne connaissons pas, même par les catalogues,  certains  films de la liste de Washington d'Alice.
L’hypothèse est donc de l'existence de trois fées aux choux

  • L'originale de 1896 , telle que l'a décrit Alice, dont le film est perdu 
  • Celle identifiée avec le  catalogue  1901 ( remake "à l'économie" ? )
  • "Sage femme de première classe" ( second remake avec Yvonne et Germaine Serand)

*) Il y a aussi l'incohérence souvent relevée " le paysan doit être Anatole ( Thiberville) ou un ouvrier du laboratoire" ( alors que le seul paysan connu est le mari dans "sage femme de première classe" et est très jeune et ressemble plutôt à Alice) qui serait expliquée.

Sites et Références

Références
  • Alice Guy-Blaché. Victor Bachy. Institut Jean Vigo 1993
  • Autobiographie d'une pionnière du cinéma: Alice Guy. Denoël 1976  
  • Alice Guy. Allisson McMahan 2002
  • Alice guy. cinema pioneer. Joan simon 
  •  Cahier de la cinémathèque Dec 95. En feuilletant le catalogue Gaumont de janvier 1908. Roger Icart
  • La nature 2éme semestre 1896. Le chronophotographe. Mareschal  
  • Alice Guy a t'elle existé ? M Gianati 2011
  • La pionera occulta: Alice Guy, en el origen del cine. de Lucas Ramon. Université de Valence 2012
  • The lost garden. Marquise Lepage 1995. Une vidéo sur Alice avec sa petite fille, McMahan,...
  • Popular Alice Guy-Blaché Videos. (168 vidéos)
  • et les autres références des articles sur Gaumont
Sites
Programme du cinématographe des magasins Dufayel
Le matin, 6 Janvier 1903
Dufayel, 13bd Barbés, était un célébre magasin de meubles dont le succés reposait sur le crédit.  Les magasins Dufayel proposaiten à leur clientéle des attrractions, des conférences et dès 1896 des films Lumière dans une salle de 250 places mais comme leur catalogue ne se renouvelait pas ils s'étaient tournés ver Gaumont.
En 1908, dans un grand cinéma de Rennes ( qui est équipé d'un chronophone) il y a une "fée aux choux".
Il est probable qu'il s'agit alors de "sage femme de première classe". 
Le temps du 30 Septembre 1933 et un article sur les métiers féminins du cinéma de l'almanach Mon Ciné 1932.
Alice Guy est oubliée et c'est Germaine Dulac et Dorothy Arzner que l'on présentait comme les premières femmes metteurs en scène. Notez le ton  condescendant de l'article du Temps qui me semble avoir des échos modernes.


6 commentaires:

  1. Merci beaucoup .Je vais le publier sur tous mes blogs & Facebook, je vous enverrais les docs de Victor Bachy, copie de la presse 1914 et autres lettres, pourriez-vous m'indiquer ou se trouvait la rue "Villa Fleurie" à l'époque de la cité Elgé, "Villa Fleurie Alice Guy" sonne bien. sinon Wikipédia a besoin d'une personne pour récrire la page Alice Guy, je pense que vous êtes cette personne. Alice-guy Jr (Alice-Guy Peeters

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  2. La cité Eglé commençait au 12-14 rue Carducci. Elle avait absorbé la ruelle des Sonneries visible sur le plan cadastral de ce blog, et sa partie Sud élargie est l'actuelle Villa Fleurie. Car coupée perpendiculairement par l'actuel Cours du 7ème Art, sa partie Nord avec la maison d'Alice Guy a disparu en étant absorbée par les terrains, reconstruits, qu'elle desservait : https://opendata.paris.fr/explore/dataset/denominations-des-voies-caduques/table/?sort=date_voie_ancienne&q=cit%C3%A9+elg%C3%A9

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  6. Le PC 075.119.98V5191 de l'Ecole Maternelle d'Application Publique qui a remplacé... la maison de Léon Gaumont au 55 rue de la Villette a été autorisé en décembre 1998 ! Il aurait été préférable d'appeler rue Léon Gaumont ou mieux rue Alice Guy, le Cours du 7ème Art qui longe l'école au Sud. A son N°14 il n'y a même pas de plaque commémorative. Pourtant le mur de la verrière du tournage subsiste..., et est situé 20 m juste en face, dans la cour de l'école ! Cette école n'ayant pas de nom de dédicace, celui d'Alice Guy serait bienvenu !
    Vue du N°14 Cours du 7ème Art : https://www.google.fr/maps/@48.8781013,2.3867286,3a,75y,31h,90t/data=!3m6!1e1!3m4!1sAmifYpRrqix1f8XKh4SsFw!2e0!7i16384!8i8192?coh=205409&entry=ttu&g_ep=EgoyMDI0MDgyMS4wIKXMDSoASAFQAw%3D%3D
    PC 075.119.98V5191 :
    https://opendata.paris.fr/explore/dataset/autorisations-durbanisme-h/table/?disjunctive.decision_autorite&disjunctive.type_dossier&disjunctive.arrondissement&disjunctive.mois_decision&disjunctive.mois_depot&disjunctive.numero_voirie_du_terrain&disjunctive.adresse_du_terrain&q=55+rue+de+la+villette

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