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jeudi 6 septembre 2012

Les carrières de la Butte Chaumont

Géologie de la Porte des Lilas ( BRGM)
Le four à plâtre par Gericault (Louvre)
Les buttes après les carrières

Un peu de géologie  pour commencer

Paris extrayait  ses pierres calcaires au Sud de la Seine.
Au Nord il n'y eu pas de carrière de pierre mais le gypse y est omniprésent. Il a été fortement exploité , dès Lutèce,  pour fabriquer du plâtre de Paris. Les bancs de gypse sont beaucoup plus homogènes que ceux de calcaire et leur hauteur est plus grande. Il fut donc exploité dans toutes les buttes du Nord de Paris, soit  à ciel ouvert, en arasant la totalité de la colline au-dessus (lorsqu'il n'y a que peu de terre entre les bancs de gypse et la surface),  soit  en creusant de grandes entrées à flanc de colline (parfois de plus de 10 mètres de haut) lorsque l'exploitation se poursuivait en souterrain ce qui fut évidemment très préjudiciable à la stabilité de terrains.
On trouvait aussi de la meulière. Cette roche siliceuse servait autrefois à faire des meules lorsqu'elle était compacte ( d'ou son nom). Le plus souvent elle comportait de gros trous et servait de pierraillepour les murs. Elle devint  ensuite la pierre favorite des pavillons de banlieue à la fin du XIXéme siècle.
Au dessus du gypse on trouve de l'argile qui va servir à faire des tuiles et des briques. On a donc parfois une exploitation  successive de l'argile, de la meulière  et du gypse.
Enfin, au-dessus, se trouvent des couches de marnes qui retiennent les eaux. Il s’y développe des nappes phréatiques perchées, rechargées par les eaux de pluie, et qui alimentent toutes les sources historiquement exploitées des collines de Ménilmontant, Belleville et Montmartre.
Le calcaire est toujours présent mais tout en dessous. Un forage à la porte des Lilas nous permet de retrouver le calcaire de Saint Ouen à la base, calcaire très résistant, et au-dessus, en alternance, les masses de gypse et de marnes.
Au niveau de la Butte Chaumont et de  Montmartre, les masses gypseuses sont  très importantes. Elles ont aussi parfois un intérêt paléontologique et c’est à Montmartre  que Cuvier a retrouvé des restes de mammifères d’un grand intérêt pour l’anatomie comparée naissante.
A la fin du XVIII eme des rues de Paris s'effondrent ( la rue d'Enfer "disparait" en 1774) et on va créer, sous Louis XVI,  l'inspection générale des carrières.
L'exploitation des carrières dans Paris s’arrêtera progressivement après  1850. Quand elle cessera totalement à la fin du XIXeme siècle , elle  laissera souvent 'un paysage désolé.

Les carrières de la Butte Chaumont.

Cliquez sur les plans pour les agrandir 

XVII éme siècle 

  1672 
En 1672, sur le plan Jouvin de Rochefort, on note tout d'abord qu'il n'y a qu'une butte Chaumont et pas des buttes séparées comme aujourd'hui. Les carrières s'attaquent aux flancs du coteau principalement du coté de l'actuelle Butte Bergeyre.


XVIII ème siècle 

1731
Cuvier s'intéresse aux fossiles que l'on trouve dans les carrières de Montmartre et de la butte Chaumont 
A l'Ouest, du coté de Bolivar et de la butte Bergeyre, la colline est complètement grignotée. De nouvelles carrières s'ouvrent du coté de la Butte Beauregard ( La Mouzaïa) Cela deviendra plus tard les carrières d'Amérique.
En bas de la butte à l'Ouest se trouve la voirie de Montfaucon; on y équarrit les vieux chevaux et les vidangeurs y déposent le produit de leur labeur. Ces activités sont quasi complémentaires de celles de  vieilles carrières puisqu'elles demandent des espaces d'épandage, du plâtre ou de la chaux pour faire des engrais et des cavités pour jeter les résidus vraiment inutilisables.On se doute cependant que dans ces conditions le quartier n'est pas très salubre.

A la fin du XVIII eme siécle, l'inspection générale des carrières  va prendre des mesures drastiques en dynamitant les anciennes carrières de la Butte Chaumont qui ne présentaient pourtant de risque d'effondrement que pour les moulins qui la couronnait.

Le sol s’effondra par endroits de 15 à 20m et les moulins de l'actuelle butte Bergeyre  avec, l'exploitation fut interdite.


1800-1830

Vers 1810-1820 Le futur parc, les carrières Fessart
 Suite à de nombreuses pétitions, l'exploitation peut reprendre en 1810.
Au centre l'emplacement du futur parc des Buttes Chaumont.
L'entrée de la partie souterraine est à peu près au centre du plan . C'est aujourd'hui la grotte de la cascade dont la paroi du fond n'est qu'un mur de béton qui cache le reste de la carrière.
M Fessart semble être le principal  propriètaire des carrières. On note un four à platre lui appartenant vers le bas de la feuille. M Fessart donnera son nom à la rue qui se trouve sur ses terrains ( c'est le cas de pas mal de rues du quartier qui portent le nom de leur ancien propriétaire) .
La carrière souterraine, dont l'entrée est l'actuelle grotte du parc, est exploitée par la compagnie Shacher.
La voirie de Montfaucon est toujours là. Il parait que les cadavres de vieux chevaux étaient nettoyés en une nuit grâce aux rats qui pullulaient.  Avec le produit des vidanges on fabrique un engrais très connu: la poudrette de Montfaucon

Vers 1810-1820 La Mouzaïa, les carrières d'Amérique
 Nous sommes autour de l'actuelle station de métro Danube.  La fourche des rues en bas à gauche est formée par la rue de la Villette et la rue Compans ( rue de St Denis).Ce sont donc les carrières de l'Amérique". On a dit que ce nom était du à l'exportation du plâtre de Paris vers l'Amérique mais il s'agirait  en vérité du fait que le propriètaire des lieux, un  Irlandais nommé Fitz-Merald,  avait fait fortune en Amérique.
On y extrayait du gypse et  de la meulière. Les carrières  suivent une ligne Est Ouest : Pluvinet, Perrier Frederic , Lelong Laurent, Bouret, Lelong Michel.
Bouret semble aussi  être le propriétaire des terrains près de Bolivar qui donna son nom à une rue.

1830-1850

Vers 1840-50, les carrières des Buttes Chaumont
 Vers 1840, le plan est  centré sur le futur parc, le coin inférieur droit  est l'intersection actuelle des rue du plateau et des alouettes.
On voit nettement au centre du plan les chemins d'exploitation des "carrières des Buttes Chaumont" de part et d'autre de ce qui va devenir la butte du parc supportant le temple de Sybille dans les établissements de Constantine. Plus rien ne signale l'entrée de l'exploitation souterraine probablement déjà abandonnée.
Au Nord Est on trouve les  "carrières du centre"  sur l'extrémité du futur parc.
Hors du plan, au Sud des fours à chaux,  la cimenterie de MM Schacher et Letellier et des briqueteries. Du coté de Montfaucon on a, en plus de la voirie, une usine de fabrication d'ammoniaque ( obtenue à partir des "produits liquides" de la voirie en les faisant chauffer avec de la chaux)

Vers 1840-50, les carrières d'Amérique
 Les carrières du plan de 1810  ne semblent plus en exploitation. les "plâtrières d'Amérique" se situent maintenant près de l'intersection des rues Compans et de la Villette, près de l'extrémité Est du futur parc. L'exploitation est souterraine et se fait "en grand" par la "Socièté platrière de Paris" animée par le banquier Jacques Lafitte. 


1850-1860

En 1856 ( 8 ans avant le début des travaux du parc), on peut lire dans le guide Joanne des environs de Paris.

Illustration du guide Joanne montrant les carrières d'Amérique.
D'abord exploitées à ciel ouvert, elles le sont alors en souterrain. 
Coupe des carrières au niveau du parc 
Plan Andriveau Goujon 1860. 
Superposition du plan de Keller  des carrières souterraines
et d'un plan plan de Paris vers 1895.
La butte Bergeyre, une bonne partie du parc, les alentours
de la mairie sont concernés par l'exploitation des carrières
 des Buttes Chaumont et du centre.
Les carrières d'Amérique concernent un plus grand
secteur à l"Est peu construit à l'époque 
"Si Montmartre a perdu ses carrières de plâtre, les buttes Chaumont ont conservé presque toutes celles qu'elles possédaient. Leurs trois principales carrières portent les noms suivants: Buttes Chaumont , du Centre, d'Amérique. Les deux premières ne s'exploitent plus aujourd'hui qu'à ciel ouvert; la carrière d'Amérique seule va encore chercher sa pierre à plâtre dans le fond de ses vastes galeries qui n'ont pas moins de 1000 mètres de profondeur et dont d'énormes piliers supportent les voûtes hautes de 15 mètres, consolidées cà et là par des échafaudages. Avant dix ans, ces trois carrières seront complétement épuisées jusqu'à la limite où les règlements de police leur permettant de s'étendre. Celle de la Butte-Chaumont a déja , diminuée considérablement sa production. Dans leur état actuel elles emploient environ 800 ouvriers   (de 250 à 275 par carrière) qui gagnent.de3 à 4 francs par jour. Elles  produisent chaque année 150 000 mètres cubes de plâtre (50 000 mètres par carrière) qu'elles vendent 15 francs le mètre. Depuis vingt  années elles se livrent à trois sorte d'industrie. Elles ne se contenta plus de fabriquer du plâtre comme   au dessus des bancs de pierre à plâtre qu.'elles exploitent il y a de 20 à 25 mètres d'argile et de marne elles fabriquent aussi des briques et de la chaux. Quand ces carrières seront épuisées, les fabricants de plâtre devront aller s'établir alu delà de Pantin, dans la chaîne de collines qui s'étend le long de la Marne jusque Meaux. Ils sont certains à l'avenir de trouver assez de bancs de pierre à plâtre pour subvenir à diverses reconstructions complètes de Paris et de tous les villages de sa banlieue. Le chemin de fer de ceinture traverse les buttes Chaumont en souterrain, entre les carrières du Centre et d'Amérique."

En 1860 c'est la  fin des carrières.
La rue Fessart prolongée et la petite ceinture
 traversent l'espace des carrières. De nouvelles rues naissent sur le plateau bordées de maisons modestes et d'ateliers.
Les travaux du parc débuteront en 1863. Le parc s’étendra  sur les lieux-dits suivants: "la chaudière d'enfer", "les carrières du centre", "les balettes", "les sonneries", "la patte d'oie", "les grands Chaumont", "les carrières des buttes Chaumont".
La voirie de Montfaucon ( renommée "Poudrette de Montfaucon" sur le plan) va être déménagée simultanément  du coté de Bondy.
On construira ensuite, vers 1879,  sur l'emplacement des anciennes carrières d'Amérique,  un marché aux chevaux qui fera rapidement faillite ( sur ce sujet voir : les autres Buttes Chaumont)



Sites et références


Pour écrire cet article j'ai simplement utilisé les plans de Paris cités dans l'article Les plans de notre quartier à travers les ages 
Il s'agit donc d'un travail très rapide de quelques heures et non d'une étude de fond. Merci de me signaler les erreurs. 

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