Pages

lundi 18 mars 2013

Histoires d'eaux à Belleville


Les sources du Nord  -de Belleville-Ménilmontant et du pré St Gervais- ont été durant longtemps les seules ressources en eau, avec La Seine, que connurent les parisiens.
Les moines de St Martin des Champs et de St Lazare commencèrent par les exploiter pour leur propre usage; le roi, puis la ville les administra ensuite pour les distribuer aux fontaines publiques mais aussi aux "concessions courtoises" accordées à de riches particuliers ou à des institutions religieuses. La première concession d'eau payante date de Henri IV et il faut attendre le XIX éme siècle pour que les eaux du Nord perdent toute importance.


Tracé des regards et des conduites sur un plan actuel
 Cliquez ici pour voir la carte en grand

Les pièrrées permettent le captage de l'eau , les puisards permettent de vérifier les fuites ,  le tout  converge vers un aqueduc ou directement sur un regard.
L'eau était ensuite amenée par des galeries à des regards.  Des regards inférieurs l'eau était transportée par de simples conduites en poterie, puis en plomb, vers le centre de la ville.
Que ce soit une galerie ou une simple conduite, le terme d'aqueduc est  utilisé dans tous les ouvrages anciens 
Le regard St Martin ou l'eau venait de la galerie St Martin sur 125 m
L'eau s'écoulait ensuite dans une  conduite de poterie de 10cm de diamètre vers St Martin des Champs.
Une des 3 fontaines de Philippe Auguste: la fontaine Maubuée telle que reconstruite en 1733 et déplacée
en face du centre Pompidou.
Elle était alimentée par l'eau de médiocre qualité de Belleville
Maubuée veut dire mauvaise buée (  lessive) 
Le regard de la lanterne duquel partait le grand aqueduc d'un kilomètre vers un regard aujourd'hui détruit rue de la mare
Le regard du Pré St Gervais ou convergeait les sources de Romainville. Au XVIIIeme siècle l'eau ira ver la ville par des tuyaux de plomb.
Exemple du début du XIXéme siècle de la répartition  de l'eau par des tuyaux calibrés pour des  concessions à des maisons du Pré St Gervais  . Le chenal principal part vers la droite.
Le réservoir de l’hôpital St Louis
Les fontaines ne débitaient qu'un mince filet d'eau  mais c'était toujours des "monuments".
Une des plus modestes: la fontaine de la rue Montmartre
La fontaine de la place du Palais Royal  élevée en 1719 combinait fontaine et château d'eau pour le Louvre et le Palais Royal. Elle recevait de l'eau de Seine.
La très modeste fontaine privée de  Joseph Chaudron.  La dernière à Paris à avoir été alimentée par l'eau du Pré St Gervais. Il existe, rue de Palestine, un regard du chaudron qui n'a rien à voir avec cette fontaine.
Le plateau de Belleville-Ménilmontant, est la partie occidentale du grand plateau de Romainville-Les Lilas, oscillant entre 95m et 130m d'altitude, il est coiffé d'une couche sableuse qui repose sur sous-couche quasi-horizontale de marnes vertes imperméables. Cette dernière arrête et recueille toutes les eaux d'infiltration, qui réapparaissaient à l'origine (avant l'urbanisation) sous forme de multiples suintements tout au long du rebord du plateau.
Bien que Lutèce fut construite sur la rive gauche avec un aqueduc amenant les eaux des sources de  Rungis,  les romains captèrent  aussi  les sources de Belleville  au moyen de nombreux drains en pierre enterrés convergeant vers un bassin près de la place des victoires.
Ces ouvrages  disparurent après les invasions successives des barbares.

Vers  l'an mil, les moines du prieuré de Saint-Martin-des-Champs, éloigné de la Seine, prospectent les lieux et redécouvrent les anciens drains enterrés de l'eau de Savies. Ils entreprirent leur restauration et construisirent l'aqueduc de St Martin, une galerie  de 125 m de long qui  aboutit à un bassin de réception protégé par un édicule couvert : le regard Saint-Martin qui -plusieurs fois reconstruit- existe toujours au 42 rue des cascades. L'eau était ensuite amenée par une conduite au prieuré qui est aujourd'hui le Conservatoire des Arts et Métiers (en bleu sur le plan).   L'eau passant sur l'enclos du Temple, elle  fut partagée entre Saint Martin et les chevaliers du Temple. 

Une nouvelle prospection des eaux du plateau, au XIIe siècle, fut le fait des moines soldats appelés chevaliers de Saint-Lazare qui, rentrant de Terre Sainte, rachetèrent l'ancienne Abbaye St-Laurent pour en faire une maladrerie. Ils réalisèrent l'aqueducs du Pré-St-Gervais (en rouge sur le plan).
L'eau venait des hauteurs de Romainville, aboutissait à un regard commun situé au Pré St Gervais et allait par un tuyau à St Lazare.

Toujours au XIIe siècle, le roi Philippe Auguste enclot Paris de murs. Il  racheta le droit de tenir une foire devant St Laurent aux moines de St Lazare pour créer  une halle centrale qu'il munie d'une fontaine, ainsi que le cimetière des Innocents, alimentées par l'aqueduc St-Lazare prolongé sous la rue St Denis
Cette ressource se révéla rapidement insuffisante. Le roi décida alors d'un nouveau prélèvement direct sur la colline de Belleville à l'endroit le plus élevé. Il en résulta le grand aqueduc ou aqueduc de Belleville, une galerie d'un kilomètre de long,  partant de la source principale, où fut bâti le premier regard de la lanterne (altitude 114m) vers  un regard situé rue de la mare. C'est de là que fut alimenté la fontaine Maubuée (en marron sur le plan)

Un autre aqueduc du coté de Ménilmontant ( en vert sur le plan), récupérait  de nombreux autres drains, collectés dans des bassins couverts, tels le regard des Messiers et le regard de la Roquette tous deux situés rue des Cascades et allait, hors les murs,  vers la Roquette et l'abbaye St Antoine des Champs ( l'actuel hôpital St Antoine).

Philippe Auguste avait exproprié les moines "pour cause d'utilité publique" , supprimant un abus  pour en faire naître un autre: celui des concessions courtoises, dont le premier exemple est donné en 1265 par Louis IX, qui accorde une prise d’eau au couvent des Filles-Dieu ; c’était diminuer d’autant la ration, déjà fort restreinte, du public. La mode s’y mit ; il n’y eut pas de maisons religieuses, pas de grands seigneurs, qui n’obtinssent des concessions pour leur usage exclusif ; le mal devint tel que les fontaines tarirent. Charles VI tenta sans succès d'y mettre bon ordre.

Durant la guerre de cent ans le pouvoir royal est chancelant et c'est la municipalité qui fait réparer les aqueducs: l'eau devient donc municipale mais l'abus des concessions courtoises ne fut pas supprimé pour autant.
En 1380 Paris a 6 fontaines: Les halles, les Innocents, Maubuée, Saint Julien, Saint Avoie et Saint Leu.
A la fin du XV éme siècle  on a en plus: l'apport Baudoyer, la barre de Bec, le Ponceau, la Reine (rue Greneta), la Trinité et les Cinq Diamants.

Il faut attendre  Henri IV pour que l’on s’occupe sérieusement de la question vitale de l'eau. On répare les aqueducs du Pré St Gervais et de Belleville - à l'aide du produit d'une taxe sur l'entrée des  vins à Paris- et on réduit à quatorze le nombre de concessions courtoises.
C'est alors que  Martin Langlois, prévôt des marchands, offre en 1598 une rente de 35 livres 10 sous à la ville de Paris en échange d’une concession d’eau qu’il demande: l'eau concédée va devenir payante et être une source de revenu pour la ville
On reconstruit le  regard de la lanterne (rue Compans)  entre 1563 et 1613, c'est le plus monumental des regards encore existants aujourd'hui.

Les eaux de Belleville et du Pré St Gervais, ainsi acheminées par de modestes conduites -et non par d'imposantes galeries enterrées- aux communautés religieuses et aux fontaines publiques du centre de Paris, alimentèrent les Parisiens de la rive droite durant cinq siècles. Les seules alternatives étaient quelques puits ou d'avoir recours à ceux des porteurs d'eau qui puisaient dans la Seine. 

Au XVII éme siécle l'apparition des pompes à feu limitera l'usage des sources du Nord aux points élévés loin de la Seine. Un nouvel aqueduc est celui de l'hôpital St Louis
Le XVII éme siècle allait connaitre un nouvel aqueduc vers Belleville  mais aussi deux nouveautés - les machines hydrauliques et l'aqueduc d'Arcueil- qui diminuèrent l' importance pour la ville des sources du Nord.

En 1606 on éleva au  Pont-Neuf, la première machine hydraulique que connut Paris: la Samaritaine, qui eut rang de château et fut dirigée par un agent décoré du titre de gouverneur ; elle se déversait dans le château d'eau de la place du Palais Royal pour l'usage du Louvre et des Tuileries.

A la mort d'Henri IV les abus recommencèrent mais heureusement la reine-mère voulut avoir un palais à elle. Elle fit construire le Luxembourg dans un lieu éloigné de la Seine ou on fit venir l'eau des sources de  Rungis, d’Arcueil et de Cachan par l'aqueduc d'Arcueil tout en accordant le tiers aux premières  fontaines publiques de la rive gauche.

En 1611 on termine l’hôpital des pestiférés, l'actuel hôpital St Louis, pour lequel il faut bien sur de l'eau . On acquiert un terrain sur l'actuel place des fêtes ou se trouvait autrefois un captage destiné à l’hôtel des Tournelles. Les sources regroupées au regard St Louis étaient conduites dans un réservoir toujours visible à l'arrière de l'hôpital ( en violet sur le plan)
En 1670 on construisit la pompe Notre Dame et en 1695 une autre pompe sous le pont de la Tournelle.

Vers 1730, les moines de St Martin abandonnent leur conduite; ils  déversent leur eau dans le grand aqueduc   de la ville et en récupère l'équivalent au regard St Maur ( près de l'actuelle station de Métro)

Les eaux du Pré St Gervais alimentaient les fontaines suivantes : les Innocents, St Lazare, les Recollets, Bossuet, le Ponceau, de la Reine, des halles, de Sainte Catherine, des filles pénitentes et des filles-Dieu. Les eaux de Belleville fournissaient les fontaines du Marais.

La fin du  XVIIIéme siècle fut la période des projets mais rien ne changea fondamentalement si ce n'est que les pompes devinrent plus puissantes et utilisèrent la vapeur au lieu de roues à eau. Les frères Périer construisirent deux   pompes à feu  à Chaillot et au Gros-Caillou.

A l'orée du XIX éme siècle  les eaux du Pré St Gervais ne desservaient plus dans Paris que la fontaine du chaudron, élevée par Joseph Chaudron en 1718 à la croisée de l'actuelle rue Chaudron et de la rue, bien nommée ,de l'aqueduc ( mais il s'agit de celui du XIX ème siècle des eaux de l'Ourq) et  -supplée par  de l'eau de Seine si nécessaire- les fontaines de St Lazare, des Recollets et Bossuet. Elles se mélangeait à l'eau des pompes de la Seine à la hauteur de la porte St Denis
.
Le XIX ème siècle  fut celui des grands travaux d'adduction. Ce fut d'abord l'arrivée du canal de l'Ourq qui supprima presque tout intérêt pour Paris des eaux du Pré St Gervais - sauf pour la fontaine du chaudron -  alors que les  eaux de Belleville ne desservait plus que le village et allait pour partie au réservoir de l'abattoir de Menilmontant ( square Maurice Gardette) ou elles se mélangeaient aux eaux de l'Ourq.

Ensuite vinrent les travaux de Belgrand - la captation de la Duys, de la Vanne,.. - les  sources du Nord furent complètement abandonnées mais cela est conté dans un autre article. 
Sous le second Empire les eaux de Belleville n'ont plus d' intérêt.
Il ne reste que des tronçons d'aqueducs et de conduites qui comme il ne sont qu'à quelques mètres de profondeur disparaîtront peu à peu  au cours des travaux de voirie ou dans les fondations des nouvelles maisons.


La qualité des "eaux du Nord" n'était pas bien grande: les parisiens lui préférait l'eau de Seine.
Celles de Belleville  étaient très chargée  "de sels calcaires, était aigre et rude, et combien peu elle prenait le savon, ainsi que disent les ménagères ; on l’appela Maubuée, la mauvaise lessive".

Il reste aujourd’hui quelques regards:  La lanterne, St Martin, la Roquette, les Messiers...
Ceux ci sont fort bien décrits sur le site du piéton de Paris.

Les porteurs d'eau

Les porteurs d'eau au bassin de l'Arsenal.
Les porteurs d'eau s'alimentaient dans les fontaines publiques ou dans la Seine. L'eau de Seine était la préférée des Parisiens car elle avait meilleur gout. Ce préjugé contre l''eau de source exista jusqu'au second Empire ou Belgrand eut à lutter pour imposer la captation de sources à plus de 100km de Paris, loin du gypse parisien qui donnait mauvais gout à l'eau.
Les porteurs d'eau se divisaient en trois catégories :
  • Ceux qui avaient un tonneau attelé d'un cheval ;
  • Les porteurs moins fortunés qui étaient obligés de tirer eux-mêmes leur tonne à l'aide d'une bricole;
  • Enfin ceux qui portaient deux seaux seulement à la fois avec une sangle et un cerceau.
Ces derniers étaient obligés de faire un plus grand nombre d'allées et venues à la fontaine. Ces braves gens étaient tenus d'acquitter un droit envers là ville et leurs tonneaux devaient rester pleins d'eau toutes les nuits, car, en cas d'incendie, on les réquisitionnait.
Au XIX ème siècle les porteurs sont toujours actifs et ce sont souvent des auvergnats. Les grands travaux d'adduction et d'assainissement du Second Empire leur porteront un coup fatal comme  aux vidangeurs et aux chiffonniers 

Les fontaines de Paris

Les premières fontaines publiques sont l'oeuvre de Philippe Auguste: les Halles, les Innocents, Maubuée. Il n'existe pas d'indication sur l'état primitif de ces fontaines qui seront plusieurs fois reconstruites.
Au début du XV ème siécle il y a dix sept fontaines dans Paris toutes situées dans les rues Vieille du Temple, St Denis et St Martin.
Il n'y a ensuite que la fontaine de la croix du Trahoir qui est élevée en 1529
La Samaritaine , puis les autres pompes,  permirent d'installer des  fontaines sur l'ile de la Cité. 
Marie de Médicis amène l'eau de Rungis à Paris pour son palais, ce sera le moyen d'ouvrir 14 nouvelles fontaines sur la rive gauche, dont la fontaine Médicis dans les jardins du Luxembourg.
En 1669 il y a 35 fontaines réparties entre la rive droite et la rive gauche.
Louis XIV fait construire 15 nouvelles fontaines dont il nous reste Boucherat, Colbert, de Vertbois et Palatine.
Sous Louis XV d'autres fontaines sont installées dont subsistent: les Blanc-Manteaux, La Petite-Halle, Trogneux, les quatre saisons, Les Haudriettes et Childebert.
De Louis XVI seule a survécu la fontaine de Jarente.
De Napoléon 1er à Napoleon III ce sera 80 nouvelles fontaines. Elles sont de  moins en moins accolées à des bâtiments mais plutôt purement décoratives avec des bassins comme celles de la place de la Concorde.
La République continuera à construire des fontaines décoratives avec plus ou moins de bonheur. 

Sites et références

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire