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vendredi 17 juin 2022

Le "fort Montjol", dernière cour des miracles ?

En 1880 la "cité Montjol" s'appelle "Cité Parisienne". Elle est l'objet d'une expulsion brutale qui laisse 200 personnes à la rue.
L'expulsion en 1926 de la cité Montjol
Une caravane, des baraques 
La rue Asselin vue du Bd de la Villette. Elle deviendra en 1935 rue Henri Turot et perdra son escalier.
Maisons effondrées de la rue Monjol.
La rue avait été ouverte après 1840 par un entrepreneur de démolition, Jourdan-Monjol.
Une partie de la rue fut démolie en 1905 avec le percement de la rue Burnouf, le reste à partir de 1927.
Les expulsés
Prostituées de la cité Montjol par Atget

Le fort Montjol, entre le Bd de la Villette et l'avenue Simon Bolivar, avait fort mauvaise réputation.

Dans le "Guide des plaisirs à Paris", vers 1920, on lit:

Au métro Combat, après le numéro 102 du Bd de la Villette, monte vers les Buttes Chaumont la petite rue Asselin que traverse la rue Monjol, " en découpant dans le centre de cette croix un pâté de maisons loqueteuses qu’on appelle le « fort Monjol », citadelle d’amour où une douzaine de rez-de-chaussée recèlent chacun dans leurs flancs vermoulus trois ou quatre filles, toutes descendues au dernier degré de la plus basse prostitution. Maquillées, à peine vêtues d’un simple peignoir dégrafé aux couleurs orientales, elles attendent, guettent et appellent les débardeurs et les « sidis » qui pullulent à cette heure dans les bars d’alentour et qui rôdent et se succèdent à leurs seuils demi-clos, éclaboussés d’une pâle lueur intérieure. Ces paradis là sont sordides et très dangereux car, malgré leur grâce souriante, ces odalisques sont surveillées par des « petits amis » en casquette et qui guettent, vigilants, le client attardé ou ivre, chasseurs de « peg » toujours à l’affût, grâce à l’obscurité complice. Pendant la journée, elles s’installent en « négligé » à leurs seuils et raccommodent, lavent leur unique chemise, s’interpellent entre elles dans l’argot le plus pur et parfois règlent à coups de couteau leurs petits différends. L’œil toujours aux aguets de l’amateur imprévu, elles narrent les dernières prouesses de leur « homme ». Plus loin, quelques façades aux vitraux opaques surmontées d’un numéro trop voyant signalent au passant leur genre de commerce un peu particulier"

Police Magazine en 1935 écrivait:

"Lacenaire opéra là. Et Avril, son complice. Et Collignon — le cocher de fiacre assassin qui a donné son nom à la corporation. Et le fameux Troppmann qui supprima d'un seul coup six personnes. Et la célèbre Nini Casque d'Or, pour les beaux yeux de qui deux hommes allèrent au bagne. Et, plus près de nous, la fille Ponciaux qui se rencontra à la lame avec Louise Perrin et lui « mit les tripes au soleil.., »

Bref La cité Montjol  avait vraiment fort mauvaise réputation.

Cependant en novembre 1880 on lit dans les journaux:

"Le pâté de maisons compris entre les rues Péchouin, Legrand et Montjol, est surnommé la Cité Parisienne; il touche au Bd de la Villette près le 66.
Par location principale tout cet espace était géré par une société.
des difficultés existaient depuis longtemps entre les propriétaires et la société: il ya même procès depuis le mois d'avril; bref les sous locations étaient faites depuis longtemps à la semaine et les locataires croyaient tous à la prolongation de ce provisoire jusqu'en janvier, ne pouvant supposer qu'on les renverrait avant la fin d'un terme.
Il s'agit, croyons nous de démolir la cité ouvrière.
il y a trois jours les locataires furent mis en demeure d'évacuer leurs modestes logements ..."

La réputation de Fort Montjol ne remonte donc pas à Lacenaire (1) mais à la suite des expulsions de la Cité Parisienne" en  1880, année ou les maisons changèrent de locataires, puis se dégradèrent, et devinrent après 1900 la " citadelle de l'amour" décrite dans le  guide des plaisirs à Paris de 1925 et repris dans celui de 1927 bien que la cité n'existe pratiquement plus à cette date.

La "Cité Parisienne" provenait elle-même d'une première rénovation des années 1850-60 qui avait chassé les premiers habitants, chiffonniers et équarisseurs, établis sur les pentes des Buttes Chaumont. Les entrepreneurs en étaient Monjol, Legrand, Pechoin et Asselin qui avaient donné leurs noms aux rues.

En 1926 c'est la fin de la cité Monjol. 
Le 26 octobre 1926 on expulsa 80 habitants de la "cité Montjol " pour agrandir un garage" (2), l'opération devait continuer dans d'autres immeubles le lendemain mais  les  habitants (31 ménages, soit 87 personnes) de la cité Montjol résistèrent. Le commissaire revint le  29 octobre avec une proposition de "logements de remplacement" dans une "maison solide" de la cité que les habitants acceptèrent. Les expulsions continuèrent en 1927 et se terminèrent en 1935

Le Petit Journal du 26 avril 1928 écrit avec simplicité:
"Depuis 1926 , le pic du démolisseur et l'outil du maçon ont commencé l'œuvre de chirurgie salutaire. La mal a été attaqué à vif... De magnifiques immeubles ont surgi ... tels de splendides champignons poussant sur les restes de leurs prédécesseurs pourris".

Le projet initial consistait en la prolongation de la rue Monjol vers la place du Combat et le  remplacement de la rue Legrand par la rue Burnouf, ce qui donnaient deux rues aux pentes raisonnables. Celui-ci fut remplacé par le prolongement tortueux de la rue Asselin, rebaptisée rue Henri-Turot en 1935, et une rue Burnouf mal tracée sur sa partie haute qui porte en appendice un tronçon rescapé de la rue Monjol 
  1. Beaucoup trop chic pour le quartier
  2. S'agit il du grand garage de l'impasse Bouchet ? 

Sites et références 

    Police Magazine
  • Paris anecdote (L’Humanité, 19 mai 1937)
  • Police Magazine 1935
  • Vergue. rue Asselin
  • STDP Tournée des grands ducs
  • L'espérance 23 novembre 1880, l'Estafette, le Constitutionnel ...
  • L'Humanité 27-30 octobre 1926
  • Les  plaisirs de la rue A Warnod 1920 "la rue d'amour du fort Montjol à Belleville"
  • Gallica. Guide plaisirs à Paris 1927 et autres éditions
  • Guide des plaisirs à Paris ( toutes les éditions de 1899 à 1931)
  • La semaine à Paris. 4/11/1927
  • L'intermédiaire des chercheurs et des curieux. 1/1/1932
  • Wikipedia. rue Asselin
  • Coins et recoins de Paris. Marius Boisson 1927 (le coin Monjol)
  • Demain 1/1/1924 p156-158
  • Retro News
  • Fort Montjol est évoqué dans le roman de Claude Izner "Le talisman de la Villette"( 2006) dans les pages 90 et dans "La bonne vie" (1925) de Galtier-Boissière, le directeur du Crapouillot. 
Vers 1840, ce coin de banlieue n'est occupé que par des masures abritant des chiffonniers et des équarisseurs.
Place du Combat (place du colonel Fabien) se déroulent des combats d'animaux. Plus au Nord il y a la voirie de Montfaucon où terminent le contenu de toutes les fosses d'aisance de la capitale et dont on tire  un engrais  "naturel": la poudrette. Plus à l'Est ce sont les carrières des Buttes Chaumont encore couronnées de silhouettes de moulins. 
On voit tout de même l'amorce  d'un chemin perpendiculaire au boulevard qui deviendra  la rue St Pierre et un chemin mal tracé perpendiculaire à la rue de Meaux qui deviendra la rue Arago.

Vers 1850 à l'Est de la place du Combat se sont installés les hangars de la société des voitures de place.
On voit la rue St Pierre (qui deviendra la rue Asselin) et la rue Arago (qui deviendra la rue des chaufourniers)
Après 1860,nos compères entrepreneurs ont réalisé leur "Cité Parisienne". Elle va être habitée par des ouvriers chassés du centre ville par les travaux d'Hausmann ou venant de province.


Plan vers 1880, des voies anciennes comme la rue Loysel disparaissent avec le percement de l'avenue Simon Bolivar Vers 1862. La rue Legrand cédera la place à la rue Burnouf.Parcellaire 1900. 
On voit que le projet initial était de prolonger la rue Monjol j'jusqu'à la place du Combat ( colonel Fabien)., La "Cité Parisienne" va être renommée  la "cité Montjol" ou  le "fort Montjol" (avec un T alors que le nom de la rue n'en a pas)
Plan vers 1910, la rue Burnouf est presque achevée et on envisage de prolonger la rue MonjolVue aérienne du quartier en 1931.
Les HBM sont tous neufs.
La rue Henri Turot se dessine, son nom vient d'un journaliste, auteur de "le prolétariat de l'amour" mais aussi de "le surpeuplement et les habitations bon marché"
Vue aérienne du quartier aujourd'hui: quelques barres en plus.
Il reste le n°1 de la rue Legrand et quelques mètres de la rue Monjol



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